Le prétexte du mariage est bien développé par la remarque solide ; que le remède des réflexions ou du Mariage vient trop tard, que déjà le faible du cœur est attaqué s’il n’est vaincu, et que l’union conjugale est trop grave et trop sérieuse pour passionner un Spectateur qui ne cherche que le plaisir ; que le Mariage n’est la fin des Comédies que par façon et pour la forme. […] Sans l’addition de l’intrigue de Misaël à l’Histoire de Judith, cette Pièce aurait été désagréable ; c’est pourquoi Misaël paraît dans la plupart des Scènes, et quoique Judith ne consente pas à la proposition de mariage qu’il lui fait, cette Veuve serait coupable même selon le monde réglé, de l’écouter et de lui répondre après l’avoir remercié.
On voit bien des incestes de fait ou d’imagination sur la Scène ; mais Corneille a marché par une autre route : il a supposé Léonce fils de Maurice, et par conséquent frère de Pulchérie ; par là les deux Amants sont saisis de la crainte de commettre un inceste, s’ils donnaient leur consentement au mariage que le Tyran leur propose ; et cette réflexion détruit en eux jusqu’à la moindre étincelle d’une tendresse suspecte, puisqu’ils ne se regardent que comme frère et sœur. […] L’amour de Sévère, qui arrive dans l’intention d’épouser Pauline, n’étant pas instruit de son mariage ; et la vertu dont tous les deux donnent de si grandes preuves, sont des leçons admirables pour mettre un frein à cette dangereuse passion. […] Mais, de l’autre côté, Inès et Dom Pedre s’aimaient avec tant de violence, avant leur union, que leur passion les a portés à faire un mariage clandestin, qui devait par mille raisons leur être funeste, en les précipitant dans toutes sortes de malheurs. […] A l’égard de Zénobie (qui se croit veuve depuis le bruit qui a couru de la mort de Rhadamiste) elle tient une conduite irréprochable, et qui peut servir de modèle ; puisqu’elle se fait un devoir de rester fidèle à un époux qui, aussitôt après son mariage, étant forcé de fuir précipitamment, oblige sa femme à fuir avec lui ; et qui, par jalousie et pour empêcher qu’elle ne passe dans les mains de son rival qui les poursuivait, la précipite dans une rivière.