Mais voyons si vous vous servez moins mal de Saint Cyprien, que de Tertullien. […] Ceux que vous avez consultés étaient apparemment de ce caractère, ainsi vous vous êtes mal adressé pour être éclairci dans votre doute. […] Pour savoir donc s’il y a du mal pour les Auteurs de travailler pour le Théâtre, ce n’est pas à votre ami M. […] Vous savez mal l’heure de la Comédie, les portes en sont ouvertes longtemps avant que l’on ne ferme celles des Eglises, et surtout de celle de Saint Sulpice, où l’on prolonge les Offices autant qu’on le peut, pour gémir devant Dieu de tout le mal qui se fait dans le même temps, surtout à la Comédie. […] Ainsi toutes vos précautions sont inutiles et quand on ne les prendrait pas, il n y aurait ni plus, ni moins de mal.
Ensuite le mal que ceux qui y assistent, causent aux autres, en authorisant ces divertissemens dangereux par leur exemple, ce qui fait un peché de scandale, & qui les rend coupables de la perte des autres, & de tous les pechez qu’ils y commettent ; & enfin les circonstances particulieres qui se trouvent en de certaines personnes, qui ne peuvent employer leur temps & leur argent à ces sortes de divertissemens, sans un notable prejudice de leurs affaires, ou de leurs devoirs les plus importans. […] C’est, Messieurs, un pretexte, je l’avoüe, dont on flatte la passion que l’on a pour ces sortes de spectacles ; mais cela n’excuse pas de peché, ceux qui, dans l’experience qu’ils ont de leur foiblesse, ne peuvent ignorer le danger où ils s’exposent : car si ces spectacles, tels qu’ils sont aujourd’huy, leur sont une occasion de scandale, c’est à dire, s’ils sont capables de les porter au mal, c’est une occasion de peché, qu’ils sont obligez d’éviter, sous peine de se rendre coupables du peché même. […] de maniere, que si l’on n’y fait point de mal, par soy-même, l’on contribuë au mal que les autres y font. […] Deplus, comme ces spectacles ne se font pas sans grands frais, & qu’on n’en jouit point sans quelque dépense, peut-on seulement revoquer en doute, que l’argent considerable qu’on y employe, pendant qu’on neglige le precepte de l’aumône, qu’on manque de quoy fournir à l’entretien de sa famille, qu’on differe ou qu’on se dispense de payer ses dettes, & qu’on viole les premiers devoirs de la justice ; que cet argent, dis-je, si mal employé, est un peché ? […] Quand donc ces spectacles ne causeroient point d’autre mal, que de dissiper l’esprit, ne seroient-ils pas toûjours infiniment dangereux, s’ils ne sont pas toûjours criminels ?