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358. (1758) Sermon sur les divertissements du monde « SERMON. POUR. LE TROISIEME DIMANCHE. APRÈS PAQUES. Sur les Divertissements du monde. » pp. 52-97

Ce seroit peu néanmoins de n’apprendre rien et de ne rien sçavoir, si c’étoit là le seul mal qu’il y eût à craindre. […] Dites-moi si j’ajoute rien ; mais en même temps faites-moi comprendre comment, aussi fragiles que nous le sommes et aussi enclins au mal, on peut se retracer incessamment à soi-même de semblables images et n’en pas ressentir les atteintes ? […] sera-t-il en votre pouvoir de couper cours à des maux dont vous aurez été les auteurs ? […] Beau prétexte, à quoi je réponds qu’il ne faut, ni parler mal du prochain, ni former des intrigues, ni donner entrée dans votre esprit à des idées sensuelles, ni jouer sans mesure et à l’excès, comme vous faites. […] Ah mes chers Auditeurs, un peu de réflexion aux maux infinis que peut causer et que cause tous les jours la vie dissipée, sur-tout des personnes du sexe, et cette malheureuse liberté dont elles se sont mises en possession !

359. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE X. » pp. 171-209

Ecoutons encore Tertulien, Mademoiselle, c’est lui qui s’est chargé de répondre : quiconque jouit1 tranquillement du Spectacle, sans s’écarter en apparence des Loix de la modestie, étant retenu par son âge ou par sa dignité, ou par la sévérité de son caractère, n’est pas aussi insensible au fond de l’ame, qu’il veut bien le supposer ; courroit-il à l’Amphithéâtre avec tant d’empressement, s’il ne prenoit aucune satisfaction à voir ce qui s’y passe : ce plaisir suppose l’affection & le consentement de la volonté, le mal a des progrès successifs, le poison ne fait pas son effet sur le champ, mais peu-à-peu, c’est une sémence qui demeure quelque tems en terre, & qui produit à la fin des fruits de mort, ut fructificent morti 1. […] On donne le même appui aux Comédiens qui ne monteroient pas sur le Théâtre, remarque Saint Jean Chrysostome1, si personne ne s’empressoit de les entendre, & s’ils n’étoient pas protégés : le mal qu’ils font eux-mêmes, ou qu’ils occasionnent dans les autres, réjaillit sur les Spectateurs qui y contribuent de leur présence ou de leurs éloges. […] On se replie sur l’exemple des personnes vertueuses ; si elles le sont en effet, ce n’est pas en tout point : il faut louer leur probité, leurs aumônes, sans toutefois approuver en elles la fréquentation des Spectacles, Tertulien rapporte en cette occasion le trait du Roi Prophéte : lorsque vous appercevez un Voleur1 vous vous empressez de le suivre : imitez les bons exemples des gens de bien, & détournez les yeux de dessus leurs foiblesses ; car, selon l’Ecriture2, on ne doit point entrer dans la foule de ceux qui font le mal, ni marcher sur leurs traces.

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