C’est ainsi que se forment les Prédicateurs en lisant les analises de Bourdaloue ; les Avocats en formant des abrégés de Ciceron, de Cochin, & dans toutes les siences, par des tables méthodiques, des traités : ainsi se formoient les auteurs dramatiques, par des extraits, des plans, des piéces de Corneille, de Racine, de Moliere, en menant comme par la main, dans la route où ces auteurs ont marché. […] Les auteurs chéris de cet instituteur, qu’il met entre les mains des enfans, sont presque tous protestans, & la plupart des gens sans réligion ; il marque par-tout un souverain mépris pour les Réligieux & les Ecclésiastiques, il fronde tout ce qui la précedé, il ne connoît de bon que la philosophie du tems, c’est-à-dire, l’irréligion ; dumoins devoit-il conserver les mœurs, & non pas corrompre de bonne heure, l’imagination des enfans, en leur faisant lire, étudier, analiser le poëte le plus galant, & leur donner ses piéces pour thêmes.
Les meres pour former le cœur de leurs filles, mettent entre leurs mains, l’histoire & l’art du libertinage, & les exposent elles-mêmes à l’incendie des spectacles ; qui le croiroit ? […] Ces idées se retrouvent, & sont comme fondues, non dans nos mœurs, qui leur font bien contraires ; car on ne sauroit plus mépriser les femmes, que d’aspirer à en abuser, que de les croire capables de s’abandonner à la passion ; mais dans nos complimens, notre politesse, nos usages, c’est-à-dire, dans la superficie, ces portraits si flattés comme ceux de la plupart des peintres, qui embellissent pour se faire mieux payer, accoutument les femmes à régarder le théatre comme leur empire, & les hommes leurs sujets ; c’est leur empire en effet, & par conséquent celui du vice ; & les hommes sont des idolâtres, jusqu’à prendre hautement parti pour les femmes ; chacun est un Dom Quichotte, heureux d’être leur victime, pourvu que la nuit suivante il soit couronné de leurs mains ; Car aucun n’a le désintéressement de Dom Quichotte, auprès de Dulcinée.