Je ne parle point de ces ornemens du lieu de la Scene qui coutoient des sommes si considérables aux Grecs & aux Romains, & au Cardinal de Richelieu : les Piéces médiocres ne méritent pas ces dépenses, & les bonnes n’en ont pas besoin ; mais un appareil théatral, quand il est nécessaire à la Représentation, cause quelquefois un Spectacle agréable, & donne de la dignité à la Piéce, comme dans Athalie : on voit entrer un Enfant, escorté d’une nombreuse compagnie, un Enfant qui s’approche d’une Reine qui l’attend, & qui attire sur lui tous les regards, parce qu’il est le grand Personnage de cette Scene ; dans la suite on voit apporter en cérémonie un bandeau Royal qu’on pose sur une table, avec l’épée de David, & le Livre de la Loi, on voit seul avec un Enfant un homme respectable par son âge, sa dignité, ses vêtemens, & tout à coup ce Vieillard vénérable est aux pieds de cet Enfant. […] si jeune encore, Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur !
Tout cela aurait été fort au gré de la jeunesse et des Dames ; Sophocle qui était de l’humeur de tous les Poètes, n’aurait pas laissé passer cette occasion de mériter des louanges et de plaire, s’il n’eût pas fait plus de scrupule que nos Auteurs, de faire paraître l’amour sur le Théâtre. […] Œdipe fait bien plus de compassion dans Sophocle qu’Egisthe : on est touché de voir le premier tomber dans un malheur effroyable, parce qu’il semble n’avoir point mérité ce malheur ; au contraire la mort d’Egisthe ne fait nulle pitié, parce qu’il s’est lui-même attiré sa perte par son amour.