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59. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « II. PARTIE. Où l’on répond aux Objections de l’Auteur de la Lettre. » pp. 89-140

Car pour eux l’ignorance de la loi les excuse ; au lieu que la connaissance de cette même loi vous rend bien plus criminels. […] une Dame qui aime un peu la beauté et l’agrément de son visage, n’ira jamais dans un lieu où elle sait qu’il y a la petite vérole. […] Cependant l’on va gaiement à la comédie, qui est un lieu bien plus contagieux pour l’âme, que ne le sont pour le corps des maisons infectées de petite vérole et de peste. […] Le lieu où va le premier, n’est point par soi-même une occasion de péché ; au contraire le lieu où va l’autre, porte de soi-même au peché et à l’extinction de la grâce, qui peut seule préserver du péché. […] Le lieu, le temps, et le Diable qui les y invite, leur sont favorables.

60. (1707) Lettres sur la comédie « Réponse à la Lettre de Monsieur Despreaux. » pp. 276-292

Je n’ai garde de me jouer à mon Maître, je connais vos sentiments pour des sentiments puisés dans le sanctuaire de la droite raison ; ils deviennent d’autant plus forts, que vous les dépouillez de cette raison sèche et épineuse, qui fait qu’on se morfond souvent dans les peintures de la vérité : au lieu que lorsqu’elle est maniée par une plume vive et animée comme la vôtre, elle fait un progrès sur les cœurs, dont il n’est pas permis de se défendre. […] A proprement parler, les Tragédies ne font que chatouiller, c’est là leur métier ; au lieu que dans les plaies désespérées, il faut enfoncer le fer et le feu, et c’est ce que font seuls les Ministres de l’Evangile. […] Vous qui savez si bien réunir dans une même personne deux caractères si opposés, comment n’avez-vous pas senti que Joseph rapporte cet amour vivement, mais simplement, pour ne pas déroger à son caractère d’Historien ; au lieu que si Joseph avec tout l’artifice que fournit cet art, où vous vous êtes rendu si célèbre ; s’il venait, dis-je, avec toutes les richesses de la Poésie peindre les transports d’un mari passionné pour sa femme, quoique cette maladie ne règne guère en France, je ne doute pas qu’il n’y eût des maris assez sensibles pour s’attendrir à cette chaste représentation : la question est de savoir si le fruit en reviendrait à leurs épouses légitimes. […] Il est le premier à convenir qu’Homère est excellent dans ses inventions fabuleuses, et qu’il charme l’esprit par ses agréables rêveries : mais il se déchaîne aussi contre le torrent de la coutume, qui porte à lire des choses si chatouilleuses pour les bonnes mœurs ; jusques là qu’il fait honneur au Christianisme qu’un Auteur nourri dans ces sciences profanes, et dans la Religion du Paganisme, que Cicéron, en un mot, eût reproché à Homère qu’il faisait des Dieux des hommes, et qu’il érigeait les hommes en Dieux : au lieu, dit-il, qu’il aurait dû rendre les hommes semblables aux Dieux, plutôt que d’abaisser la divinité à la condition des hommes.

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