Il est vrai, que les anciens Pères, en parlant de la sorte, avaient principalement en vue certains jeux de théâtre, qu’on appelait Majuma, dont les Empereurs firent retrancher ce qu’il y avait de plus dissolu, et de plus honteux : mais quelque réforme qu’on y ait fait, saint Chrysostome ne laisse pas de les appeler des écoles d’adultère et de libertinage : non pas qu’on représentât des actions sales sur le théâtre, ce que ces pieux Empereurs n’auraient pas souffert ; mais parce que les Comédiens de l’un et de l’autre sexe ne s’étudiaient qu’à se servir de paroles et de gestes affectées, qui n’étaient propres qu’à remplir l’esprit de mille idées impures et le cœur de mauvais désirs. […] De plus l’Ecriture recommande d’éviter avec soin les mauvais entretiens, même particuliers, à cause qu’il est facile de s’y laisser corrompre : 1. […] Nous ne voulons rien dire de la mollesse et du peu de retenue, où s’engagent souvent ceux qui ne font point de scrupule de se laisser aller à un tel excès, et nous nous contentons de déclarer notre sentiment, qui est, que ces Religieux ne peuvent en conscience, et sans un péché fort grief continuer à prendre une telle récréation.
Je ne sais si je me trompe ; mais il me paraît que la Tragédie d’Andromaque est très convenable pour nous faire sentir de quelle manière on peut traiter la passion de l’amour sur le Théâtre : on pourrait ajouter même qu’Euripide nous a laissé, dans Andromaque un modèle parfait pour présenter cette passion sur la Scène avec toute la circonspection que la Réforme ou plutôt la raison demande, et avec l’heureux avantage de corriger et d’instruire les Spectateurs. […] Il me semble donc que l’on pourrait laisser Andromaque telle qu’elle est, et lui donner place sur le Théâtre de la Réforme ; après avoir pourtant fait précéder un examen très exact des maximes et des expressions de cette Pièce, pour corriger celles qui pourraient blesser les bonnes mœurs. […] Quoique je ne les condamne point d’en être vivement émus d’horreur ; je ne puis cependant m’empêcher de savoir bon gré au Poète, qui, pour détruire par une forte impression le sentiment et le désir de la vengeance, a choisi un des faits le plus marquant que l’antiquité nous ait laissé en ce genre.