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357. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE IV. Suite des Masques. » pp. 82-109

Servir le Prince & la patrie, dit-il, par des exploits glorieux, rendre sa mémoire à jamais illustre, laisser à la postérité l’empreinte de ses belles actions, que je me retrace avec joie cette belle époque ! […] Disent les demandeurs que combien que de droit commun les Maris soient en bonne, pleine & paisible possession de leurs femmes, & puissent se départir des compagnies à l’heure que bon leur semble, & fermer leur porte quand l’ombrage & la fantaisie les prend, & disposer de leurs femmes, comme chacun est modérateur de sa propre chose, contre tous exempts & non exempts, privilégiés & non privilégiés, néanmoins les masqués, sous couleur de privilèges tels quels, commettent chacun jour plusieurs abus contre ladite possession, au grand travail, mal de tête, fâcherie & molestation des maris ; que quand les maris sont assemblés en compagnie avec leurs femmes & damoiselles les défendeurs arrivent enmasqués, s’emparent des damoiselles, les reculent, les mènent chacun la sienne dans un coin, les confessent à l’oreille, dansent l’une après l’autre, & dès qu’ils l’ont prise ne la laissent jamais jusqu’à minuit & plus tard, sans qu’il soit possible leur faire guerpir la place ; & cependant demeurent les maris chiffrés & lourchés, & gardent les mules, tandis que mes mignons triomphent, & sont en danger des marchands & marchandises, qui est la fortune que plus ils craignent ; & si d’aventure ils appellent leurs femmes, ils sont nommés jaloux. […] Ne feront aucun signe ou apparence d’être matris & fâchés ; pourront se retirer chez eux, sans qu’ils puissent laisser de ces vieilles nommées faux dangers, pour contrôler & leur faire aucun rapport. […] Quand ils entreront dans la chambre, s’il y a des Damoiselles qui jouent, elles laisseront le jeu, pour danser & deviser avec les Masqués ; si elles sont en perte, & que les Masqués vousissent les rembourser, elles seront tenues de quitter pour eux ; si elles gagnent, elles pourront quitter pour deviser avec eux, sans être réputés couper la queue.

358. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

Vous les avez conduits aux tragédies de Corneille, & de Racine ; ils ont vu jouer Moliere ; mais votre sagesse ne vous a pas permis de leur laisser voir toutes ses comédies. […] Il dit, quelque part, à son valet : laisse là tes raisonnemens saugrenus , le valet répond : sot cornu vous-même  ; et en montrant la petite fille à son maître, il ajoute : que vous êtes heureux ! […] Panard, a dit de lui-même qu’il étoit passable coupletteur ; ce mot peu françois exprime bien du moins le mérite de ce Poëte ; il excelloit dans les couplets ; ceux qu’il a faits sur les invraisemblances reprochées à l’Opéra, sont remplis d’antithèses ingénieuses ; mais voilà tout ; ses intrigues sont foibles, sa gaité vous laisse froid, sa morale ennuie, excepté peut-être dans le Fossé du scrupule : il trouve des contrastes heureux dans les mots, il n’invente jamais de situation, il ne fait pas rire, il n’a pas de force comique. […] Hérault eut tant de peine à laisser représenter ; des discours de la tête d’Acajou, des spirituelles infamies du Miroir magique ; des niaiseries savantes de la Chercheuse d’esprit, des Troqueurs, de la Servante justifiée, du fleuve Scamandre, &c.

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