Surpris d’un changement si subit, on lui en demanda la raison, il raconta son avanture : Puis-je, dit-il, laisser mon sort entre les mains d’un danseur de corde ? […] Sa belle ame qui étoit faite pour la pratiquer, fut si frappée de ces discours, qu’il retira ses pieces, & renonça au théatre, que l’étourderie & les passions de la jeunesse lui avoient fait d’abord trop goûter, pour s’adonner à l’étude de la sagesse ; il ne permit, non plus qu’Aristote dans sa République, aucune représentation théatrale, parce qu’il n’en est aucune qui n’excite quelque passion, colere, vengeance, ambition, amour ; l’action suit de près les discours & la représentation, on se laisse aisément gagner lorsqu’on aime de voir & d’entendre. […] Les gens instruits levent le voile, la jeune fille le laisse, tout le monde est content. […] On a laissé les actrices à la direction de leurs amans ; mais pour récompenser les importants services que l’opéra rend au public, Francœur a eu dix mille livres de pension de retraite, & Revel six mille, comme de bons officiers couverts de blessures, après quarante ans de service.
Ils laissoient leurs cheveux dans leur état naturel, & ne vouloient d’autre beauté que leur vertu & leur bonne mine : Martia frons, faciesque comis, nullis cincinis, annulisque, & gradibus distinctum comam. […] On laisse les Comédiens dans leur état de bassesse, on les a à juste prix, on les reprime quand ils s’écartent ; nos Actrices sont fort cheres, & se donnent un air d’importance qui va jusqu’à l’insolence. […] Point de perte au monde plus domageable à la Cité, que de laisser la liberté à la jeunesse de changer ses accoutremens, dans les gestes, chansons, d’une forme à une autre, tournant son jugement tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, tantôt en cette assiette, tantôt en celle-là, courant après les nouvelletés, par où les mœurs se corrompent, & les anciennes institutions deviennent à dedain. […] Elle suppléeroit par du rouge à la livrée de la pudeur ; mais le Senat s’y laisseroit-il prendre ?