Un Sénateur dont on implore la justice, au lieu de donner audience, ne parle que de théâtre, de danse, de mascarade, renvoie les plaideurs et les procès, et déclare qu’il n’a d’autre affaire que son plaisir. […] tout y gagnerait, et eux-mêmes les premiers ; les lois ne les appellent-elles pas les Prêtres de la justice, justitiæ Antistites ? […] les Ministres de la Justice ne font-ils pas sur leur tribunal les mêmes fonctions que les Ministres des Autels dans celui de la pénitence ? […] « Il s’en faut peu, dit la Bruyère (C. de quelques usages) que la religion et la justice n’aillent de pair dans la république, et que la magistrature ne consacre les hommes comme la prêtrise.
Quel goût peut-on trouver dans les exécutions de la justice ? […] Mais, dira-t-on, c'est un bien public que la justice s'exerce par la punition des criminels, et que le peuple en soit témoin, pour en être intimidé et retenu. […] Mais la justice, qui étale le châtiment, fait-elle représenter le crime ? […] Les autres tragiques ne font pas plus d'actes de justice, et sur quels crimes s'exerce-t-elle ? […] On fait encore part au public d'une foule de plates rimes dont on l'a célébrée, et qui ne feront point passer à la postérité le nom des protecteurs éphémères sous lesquels ils osent se montrer, surtout le Mercure, dont l'Auteur, bien payé par les trois théâtres, se fait un devoir de justice et de reconnaissance d'aller composer sous les beaux yeux des Actrices, et consacrer régulièrement tous les mois, trente à quarante pages d'un livre qu'il vend fort cher, à recueillir toutes les futilités du théâtre, et a le courage d'être l'intarissable, l'inépuisable, l'infatigable, et sûrement très frivole et très fade panégyriste de tous les Acteurs, Actrices, débutants, débutantes, chanteurs, chanteuses, danseurs, danseuses, instruments, décorateurs, peintres, machinistes, jusqu'aux tailleurs, cordonniers, brodeuses et couturières.