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214. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

Le profane vulgaire, animal sans yeux, sans réflexion, sans jugement, prit ce genre honteux sous sa protection, & par son affluence journaliere aux Trétaux, parut le consacrer. […] car cet assemblage d’hommes, que j’appelle le Peuple, (nom jadis si respectable), est formé du corps entier de la Bourgeoisie, & ce n’est pas cette portion d’êtres éduqués, qui a besoin des Spectacles Forains ; ceux qui la composent peuvent & doivent aller aux Théatres : mais cette Populace, composée de gens, qui n’ont d’autres moyens pour subsister, que le rapport de leurs bras ; de ces gens encore, qui n’es pour la plupart sans esprit, sans jugement, sans raison même, (ainsi parlent nos antagonistes), cette Populace, dis-je, a besoin d’amusemens bas & grossiers, qui soient à sa portée. […] On veut deviner, on étudie, on s’applique, on trouve le véritable sens ; la polissonnerie qui chatouille l’oreille, éveille l’esprit, gagne le cœur ; on veut toujours mettre en pratique ce qui plaît & séduit ; la volupté fascine les yeux, obscurcit le jugement, absorbe toutes les facultés, dévore l’individu dont elle s’empare ; que devient-il ?

215. (1674) Le Theâtre François pp. -284

Ie ne diray donc rien du merite des Autheurs, dont chacun peut faire le discernement sans moy ; & le Lecteur se contentera s’il luy plaist, que ie luy donne icy seulement vne petite Bibliotheque de nos Poëtes François qui ont trauaillé pour le Theâtre, sans m’ingerer de donner mon jugement sur leurs ouurages que i’ay eu la curiosité de rassembler. […] Quoy que ie me sois tres justement defendu de porter mon jugement sur les Pieces de Theâtre, & de toucher à la difference du merite des Autheurs, ie ne risque rien à dire en general que chacun a son talent particulier, & qu’il se trouue vne grande diuersité dans leurs genies. […] Les femmes par modestie laissent aux hommes le jugement des ouurages, & se trouuent rarement a leur Lecture, quoy qu’elles ayent droit d’y assister, & il y en a asseurement de tres capables entr’elles & mémes qui peuuent donner des lumieres au Poëte. […] I’ay remarqué que les femmes ont la memoire plus ferme que les hommes : mais ie les crois trop modestes pour vouloir soufrir que j’en dise autant de leur jugement.

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