Cette sorte d’esprit n’est pas plus nécessaire pour jouer le rôle d’Ariane, qu’il ne l’a été pour composer les Fables de Lafontaine & les Tragédies de Corneille. Il n’en est pas de même du bon esprit ; c’est par lui seul que le talent du bon Acteur s’étend & se plie à différens caractères : celui qui n’a que du sentiment ne joue bien que son propre rôle ; celui qui joint à l’âme, l’intelligence, l’imaginatien & l’étude, s’affecte & se pénètre de tous les caractères qu’il doit imiter ; jamais le même, & toujours ressemblant : ainsi l’âme, l’imagination, l’intelligence & l’étude doivent concourir à former un excellent Comédien.
Tu ne sais pas le tour que je joue à ton perfide ? […] Esopus, célèbre Comédien tragique & le contemporain de Cicéron, laissa en mourant à ce fils, dont Horace & Pline font mention comme d’un fameux dissipateur, une succession de cinq millions qu’il avait amassés à jouer la Comédie. […] L’Histoire dit que Jules César donna vingt mille écus à Laberius, pour engager ce Poète à jouer lui-même dans une Pièce qu’il avait composée. […] Une partie de la Nation est fort indifférente sur leurs mœurs, tandis que l’autre ne cesse d’objecter, que la conduite de nos Comédiens contraste trop avec la plupart des Pièces qu’ils jouent*. […] Quand on remet au Théâtre une Pièce ancienne, & qu’un excellent Acteur la joue d’une manière neuve, est-ce à l’Auteur, qui souvent n’existe plus, qu’il doit son intelligence ?