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219. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Il y a beaucoup de Pièces, qui ne sont recommandables que par l’intrigue ; ces dernières, à la vérité, punissent le ridicule ; mais elles recompensent l’audace : telles sont l’Ecole des Femmes, l’Ecole des Maris, les Ménechmes &c. cette classe est extrêmement étendue : on invitera les nouveaux Auteurs à ne suivre de semblables modèles, que dans la conduite & non dans les mœurs de leurs Drames ; je voudrais même qu’on cultivât peu le genre où la Comédie n’est qu’un joli Roman dialogué, telle est la Pièce intitulée Amour-pour-Amour, Zénéïde, l’Oracle, les Grâces, le Mariage-par-supercherie, & quelques autres. […] En suivant cette méthode, on mettra toutes sortes d’intrigues, tous les genres de vices & de ridicules sur le Théâtre, non-seulement sans danger, mais avec fruit. […] Je ne parlerai pas ici de la vraisemblance du fond du Drame, qui doit règler l’action, l’intrigue, le caractère, le dénoûment, & qui consiste à ne mettre sous les yeux du Spectateur que des actions convenables & possibles ; à faire parler les Personnages selon les circonstances, les sentimens dont ils doivent être affectés ; on peut recourir aux Dissertations de Corneille & à nos Poétiques ; mais j’envisagerai cinq autres degrés de vraisemblance assez négligés ; je veux dire, le Langage, les Monologues, les A-parté, l’Usage des Valets & des Soubrettes, & la Position. […] On pourrait ranger nos Comédies actuelles sous treize Classes différentes : ¶ La première fera composée des grandes Pièces de caractère, telles que le Misanthrope, le Tartufe, le Joueur, le Glorieux, le Dissipateur, &c. dans lesquelles le vice se trouve repris sérieusement, & par le ridicule : des Pièces d’Instruction, comme les Fils - Ingrats, Ésope - à - la - Cour, l’Embarras-du-choix, &c. ¶ La seconde, de celles où le vice est corrigé par un autre vice & par le ridicule ; telles que le Bourgeois-Gentilhomme, l’Avare, Georges-Dandin, l’Ecole-des-Maris, la Mère-Coquette, le Grondeur, &c. ¶ La troisième, des Pièces où le ridicule seul est mis en usage ; telles sont, l’Homme-à-bonnes-fortunes, la Métromanie, &c. ¶ Dans la quatrième Classe seront rangées toutes les Pièces sérieuses, comme celles de Lachauffée, le Père-de-famille, Cénie, Nanine, le Philosophe-marié, Dupuis & Desronais, le Philosophe-sans-le-savoir, la Pupille, &c. ¶ Nous assignerons à la cinquième, les Pièces demi-sérieuses, telles que les Dehors-trompeurs, la Surprise-de-l’Amour, le Français-à-Londres, &c. ¶ La sixième Classe, sera de toutes les Pièces du jour, où l’on corrige le ridicule courant : telles furent autrefois les Femmes-Savantes, les Précieuses-Ridicules, le Chevalier-à-la-Mode, &c. que je nommerai, Pièces surannées ; & de nos jours, la Matinée-à-la-Mode, les Adieux-du-Goût, le Faux-Savant, Heureusement, le Cercle : nous y joindrons celles qui célèbrent un évènement récent, comme l’Anglais-à-Bordeaux, &c. ¶ Dans la septième Classe nous mettrons la Comédie Héroïque, qui tient de la Tragédie par l’élevation des personnages, & de la Comédie par l’intrigue & le dénoûment, comme Dom-Bernard-de-Cabrera, Laure-persécutée, le Cid, Dom-Sanche-d’Arragon, le Prince-jaloux ou Dom-Garcie, la Princesse-d’Elide, les Amans-Magnifiques, la Princesse-de-Navarre, & même l’Ambitieux-&-l’Indiscrète de Destouches. ¶ La huitième Classe comprendra les Romans dramatiques, tels que le Muet, Mélanide, Alcibiade, le Consentement-forcé, &c. ¶ Toutes les Pièces de Féerie, comme l’Oracle, Amour-pour-Amour, Zénéïde ; les sujets pris de la Fable, comme les Grâces ; les Pastorales, comme Hylas-&-Sylvie, &c. formeront la neuvième Classe […] ¶ Sous la dixième, est renfermé ce qu’on nomme le Comique-Larmoyant, l’Ile-Déserte, Julie, Eugénie, l’Orfelin-Anglais. ¶ La onzième consistera dans toutes les Comédies-Farces, comme Monsieur-de-Pourceaugnac, le Médecin-malgré-lui, la Dame-Invisible, l’Avocat-Patelin, &c. dans les Pièces de simple amusement, comme le Dépit-amoureux, l’Étourdi ; dans celles de plusieurs Auteurs qui ont suivi Molière, telles que le Mercure-Galant, les Engagemens-indiscrets, &c. dans la plupart de celles des Auteurs Comédiens, des Poisson, de Dancourt, Legrand, Baron, Hauteroche, &c. comme le Baron-de-la-Crasse, le Mari-retrouvé, l’Aveugle-Clairvoyant, le Cocher-supposé, &c. ¶ La douzième Classe sera formée des Pièces purement d’intrigue, comme l’Amphitrion, les Ménechmes, l’Andrienne, la Maison-à-deux-portes, &c. ¶ La treizième & dernière Classe embrassera toutes les Pièces trop libres & celles où règne l’improbité ; telles sont quelques-unes des Comédies de notre Molière & de Regnard ; plusieurs de Montfleuri, d’Hauteroche, de Dancourt, de Lafontaine, &c. comme le Mariage-forcé, le C.… — Imaginaire, le Légataire, la Femme-Juge-&-Partie, la Fille-Capitaine, les Trois-Cousines, la Coupe-enchantée, & toutes les Pièces dans ce genre scandaleux.

220. (1733) Dictionnaire des cas de conscience « Comédie. » pp. 765766-806

 » et demeure d’accord que « c’est un jeu non d’enfant, mais un jeu qui est une occupation sérieuse, et digne d’attirer les regards des esprits célestes ; que ce n’est pas un jeu qui ressemble à celui des Théâtres, qui n’est propre qu’à irriter les passions par la représentation des intrigues des femmes et des choses impures. […] Premièrement, les choses que l’on représente dans la Comédie sont pour l’ordinaire des intrigues d’amour et des sujets de quelque violente passion, comme d’amour, de vengeance, d’ambition, de jalousie, etc. […] Les Comédies les plus honnêtes sont toujours mêlées de quelques transports de passion, de quelques artifices ou intrigues mauvaises pour y réussir ; et l’on montre par là le chemin aux personnes qui peuvent être un jour possédées de pareilles passions, de se servir des mêmes adresses pour obtenir l’accomplissement de leurs mauvais désirs. […] On ne peut point appeler des ouvrages tout à fait honnêtes, dans lesquels on voit des intrigues d’amour, de vengeance, d’ambition, que l’on commence, que l’on continue, que l’on achève avec beaucoup d’artifice et d’adresse d’esprit, que l’on accompagne de belles paroles, que l’on représente avec des actions vives et avec une prononciation agréable, ce qui imprime plus facilement et plus fortement le mouvement de ces passions dans le cœur des spectateurs.

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