La vie d’Elisabeth approvisionne le théatre, quoique ce soit dans ses mariages qu’elle a le plus joué la comédie, c’est là pourtant qu’elle en a renversé toutes les loix ; toutes les intrigues sur la scène se terminent bien ou mal par un mariage, mais sur la scène de Londres tous les mariages sont manqués, toutes les intrigues infructueuses ; l’héroïne de la pièce est une Penelope qui amuse tous ses amans & se moque d’eux ; il est vrai que la Penelope Grecque étoit mariée, avoit des enfans, attendoit son mari, & n’avoit jamais eu de galanterie ; la Penelope Angloise ne subit jamais les loix de l’hymen, ne contribua pas, du moins ne parut pas contribuer à la population, & quoique toujours très vierge dans l’ancien & dans le nouveau monde, commença & finit sa vie par des galanteries avouées, & remplit l’incognito, l’intervalle par des amusemens sans conséquence pour la virginité. […] Elisabeth, témoin des horreurs de la maison paternelle, née elle-même d’un de ses mariages infortunés, & d’une mère décapitée pour cause d’adultêre, fut effrayée avec raison, & craignit pour elle-même une pareille destinée : du moins est-il certain que jalouse de l’autorité souveraine, elle redouta celle d’un mari qui auroit pu la gêner dans sa liberté & ses intrigues.
N’y représente-t-on pas tous les jours des Comédies très indécentes dans l’intrigue, ou dans le dialogue ? […] Ce sont les intrigues des affranchis, des courtisans efféminés, de ces hommes de néant qui avoient tant de pouvoir à Rome sous les tyrans, & qui en auront toujours beaucoup dans les Gouvernemens arbitraires. […] La première est sans intrigue d’amour, comme la seconde ; les sentimens d’Assuérus pour la Reine n’étant qu’une tendresse d’Epoux fondée sur l’estime & sur la vertu.