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109. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « II. PARTIE. Où l’on répond aux Objections de l’Auteur de la Lettre. » pp. 89-140

l’un de ses traités sur les Psaumes, il fait la division des plaisirs des hommes en ceux qui sont innocents, et ceux qui sont criminels. […] Car les coupables ne deviennent pas innocents par la multitude de leurs complices ; et une Loi ne perd rien de sa force, quand les infractions s’en multiplient. […] Il ne faut point juger du péril qu’il y a en général d’aller à la Comédie, par les dispositions toutes singulières qui se peuvent trouver dans un très petit nombre de personnes ; mais par la multitude de ceux à qui l’expérience a fait connaître qu’on ne peut aller à ces assemblées du grand et du beau monde, sans un extrême danger de la pureté, de la piété et du salut ; et par conséquent sans crime, car je veux que la pièce soit si innocente, si modeste et si honnête, qu’on la pourra avoir et entendre sans que la pureté des yeux, des oreilles et de l’esprit en ressente aucune maligne impression (quoique cela soit très difficile dans la pratique) ce sera la pompe du siècle, l’empressement pour la satisfaction des sens et pour les plaisirs ; l’ardeur pour se remplir l’esprit et le cœur de l’estime et de l’amour de ce que le monde a de plus charmant et de plus propre à faire oublier Dieu et l’éternité, qui feront tout le mal, dit le P. […] « Ipsa sunt spectacula utilia, salubria, ædificentia, non defluentia. » Mais parce que la plupart des Chrétiens sont devenus tout charnels ; les Pères se rabaissants à leur faiblesse, leur proposent encore d’autres divertissements, qui sont à la vérité plus grossiers : mais qui ne laissent pas d’être très innocents. […] On peut ajouter à ces sortes de divertissements des conversations honnêtes et édifiantes à des yeux innocents, qui ne servent qu’à se lasser l’esprit.

110. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Une idée fausse nous égare & nous perd : d’un cœur innocent & modeste, elle en fait le séjour odieux de l’orgueil & de l’ambition. […] Par-tout où l’on ne trouve point d’autres amusemens, c’est à chacun de consulter indistinctement son goût ; & s’il veut y mettre du choix, de préférer du moins le plus innocent pour ses mœurs, & le moins infructueux pour son esprit & pour son cœur. […] Disons plus : l’esprit a ses transports, l’imagination son yvresse, le goût ses ravissemens ; mais à quelque point que tout cela soit porté, il n’y a rien de si innocent : par-tout où les sens n’ont point de rolle, les passions n’ont point de jeu, & conséquemment les mœurs sont sans danger. […] Il seroit singulier qu’une couche de plus sur une chose fût capable d’en pervertir le caractére & la vertu, qu’un amusement de l’esprit devint l’occupation du cœur, & que par une fatalité sans exemple, à un ris innocent succédât un coupable penchant. […] Quel rapport y a-t-il entre tous ces jeux différens que le Théâtre fournit, & les impressions subites & brusques dont on croit un cœur innocent & serein aussi-tôt susceptible.

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