Je ne distingue que deux objets dans la contestation présente : l’excommunication & la peine d’infamie ; celle-ci sera traitée en une seule Lettre qui suivra immédiatement ; la censure ecclésiastique demande plus d’étendue. […] Ce sujet ne touche par aucun bout à la question des Spectacles ; mais en parcourant les délits qui sont atteints de la peine d’infamie, comme il a rencontré celui-ci en route, il n’a pas cru devoir le passer sous silence.
Les Romains, par des loix expresses, sans distinguer les pieces indécentes de celles qu’on dit châtiées, condamnoient généralement tous les Comédiens à l’infamie, & cependant non-seulement ils y assistoient, mais comme s’ils eussent conspiré contre la pudeur de leurs femmes & de leurs filles, ils leur laissoient la liberté de venir à ces pernicieuses écoles prendre des leçons de volupté de ces maîtres scandaleux, qu’ils avoient authentiquement chargés & déclarés dignes du mépris public. […] Sans couvrir les Acteurs d’infamie, Athènes ne se dissimuloit pas le danger des représentations théatrales, & ne vouloit pas y exposer la vertu d’un sexe fragile, dont la modestie est le plus bel ornement. […] Sans élever aucune barriere entr’elles & la mauvaise compagnie, qui toujours s’y rassemble, nous les laissons pêle mêle avec le premier venu que le libertinage y amène, nous les excusons, nous les applaudissons, nous les y engageons, nous les faisons monter sur le théatre public, nous leur élevons dans les maisons des théatres de société, nous leur laissons apprendre les arts empoisonnés qui y séduisent, nous les louons de leurs succès, ou plutôt de nos défaites, tandis que nous laissons imprimée sur le front des Comédiens la tache de l’infamie légale, du mépris public, & des anathèmes de l’Eglise. […] 3.), s’il faut en croire un ouvrage plein d’irréligion & d’indécence : A l’égard des Acteurs & des Actrices qui courent en troupes comme ailleurs, ce n’est ni le préjugé de la nation ni le genre des pieces qu’ils représentent qui jette comme par-tout le mépris & l’infamie sur leur état, ce sont leurs mœurs & leur conduite, toujours plus dépravées que dans les autres classes des citoyens. […] Qu’on vienne déclamer contre lui ; les anathèmes de l’Eglise, on les méprise ; les alarmes de la pudeur, on s’en joue ; barbarie chez les Grecs, qui en excluoient les femmes ; mysantropie chez les Romains, qui le couvroient d’infamie ; bizarrerie gothique parmi nous, qui laissons subsister les loix civiles & canoniques portées contre les Comédiens, & en faisons nos amis, nos modelles, nos oracles.