Plus il colore ces vices d'une image de grandeur et de générosité, plus il les rend dangereux et capables d'entrer dans les âmes les mieux nées ; et l'imitation de ces passions ne nous plaît que parce que le fond de notre corruption excite en même temps un mouvement semblable, qui nous transforme en quelque sorte, et nous fait entrer dans la passion qui nous est représentée.
Selon les divers mystères qu'on célèbre, on y en étale les images, on y en répand les estampes, faites de la main des meilleurs maîtres, où tout est exposé sans voile. […] On savoure la volupté sans inquiétude : l'image affecte aussi agréablement que la réalité, et n'est-elle pas la vraie réalité de la sensation ? […] Je ne parle même ici que de quelques honnêtes gens, en petit nombre, qui abhorrant la réalité des grandes passions, veulent se repaître de leur image, et en courir le risque dans leurs préludes ; car pour le grand nombre, dont la conscience est peu délicate, il ne demande ni ne mérite d'apologie. […] D'où vient le plaisir que donne l'image du vice ? […] Si l'on avait sincèrement horreur du péché, en fréquenterait-on le séjour, en aimerait-on le souvenir, en parerait-on l'image, en diminuerait-on la difformité, en émousserait-on les remords ?