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461. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre III. De l’Unité de lieu, de Tems & de Personne. » pp. 211-238

L’homme de goût ne va point à la Comédie pour admirer des toiles peintes ; mais pour contempler l’action sérieuse ou enjouée qu’on y représente. […] Outre que les règles sont éxtremement violées par un pareil usage, les Spectateurs ne sont point à leur aise quand la Scène change ainsi coup sur coup, parce que la Nature, qui parle intérieurement à tous les hommes, leur fait sentir, même malgré eux, qu’on s’écarte trop de la vraisemblance. […] Des accidens imprévus peuvent bien quelquefois obliger certains hommes de veiller au milieu de la nuit ; mais on aurait tort d’en faire une règle générale. […] En suivant son éxemple, la vrai-semblance serait visiblement choquée, par ce qu’il n’est pas naturel que les hommes agissent au de la de douze heures, & qu’il leur faut enfin du repos. […] L’homme est trop méchant pour s’intéresser à plusieurs personnes à la fois : c’est bien assez qu’il partage les maux ou la joie d’une seule.

462. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE VII. De l’idolâtrie du Théâtre. » pp. 143-158

Comment un vrai Chrétien peut-il souffrir, louer, aimer, représenter l’une et l’autre idolâtrie dans ces spectacles, qui sont toujours pour les hommes une source intarissable de péchés ? […] Sans doute : un homme de bien connaît-il ces horreurs ? […] ne sont-ils pas pour l’homme de bien mille fois plus insupportables que les rugissements des lions, les hurlements des loups, les sifflements des serpents, dont personne assurément ne s’avisera de former un concert pour flatter l’oreille ? […] Auguste, qui la connaissait bien, s’en moquait, et regardant ce peuple immense qui remplissait l’amphithéâtre : Les voilà, disait-il, ces hommes faits pour gouverner : « Romanos rerum dominos gentemque togatam !  » La religion se trouve aussi mêlée dans l’origine du théâtre, soit qu’on ait voulu attirer le peuple à la piété par l’appas du spectacle, soit que l’homme, et surtout le Chrétien, soit naturellement entraîné à mettre partout la religion : intention bonne sans doute, et dont la grossièreté du siècle doit faire excuser les moyens aussi imprudents qu’indécents.

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