*** D’un côté c’est Racine et de l’autre un Voltaire : L’un est tendre et touchant ; l’autre délicieux : Il tonne dessus nous, et menace les cieux ; Des hommes si profonds quittent trop tôt la Terre. […] *** Poursuivons notre éloge et laissons ces grands hommes, Ces modèles parfaits et ces Maîtres de l’art Qui connaissent de tout, et qui dans tout ont part ; Je les laisse à regret.
Il n’y a guére d’homme qui en allant à une piéce nouvelle, ne pût se parler ainsi. « Je vais voir un Prince malheureux en amour, & qui ménacé de la perte de ses Etats, paroîtra plus occupé de sa Maîtresse que de leur défense ; ou une Princesse, qui se refusant à celui à qui le devoir la donne, me fera de longues élegies, me débitera de brillantes maximes sur la nécessité où sont les personnes de son rang, de sacrifier leurs desirs aux raisons d’Etat. Le Prince, s’il est victorieux, sera couronné ; s’il ne l’est pas il se tuera. » Ainsi un tel homme sçait d’avance le sujet, le nœud & la catastrophe de la piéce. […] C’est, ajoute-t-il, ce qui est arrivé à la tragédie sur la plûpart des Théatres ; au lieu des grandes actions, des sentimens généreux, qui excitent le courage, la vertu, l’émulation, la compassion, la crainte, l’estime, l’admiration ; on ne voit presque plus, par le mauvais goût du siécle, que des intrigues de galanterie où des héros effeminés, font les pitoyables personnages d’amans passionnés. » Il est rare que les hommes soient agités de deux grandes passions dans le même tems.