» Le Comédien ne doit jamais exprimer la tendresse d’un amant, ni par paroles ni par gestes, non pas même pour faire voir le sort infortuné de l’impureté ; le moindre haleine se communique, les esprits dissipés n’entendent pas en sûreté l’histoire des passions d’autrui : qu’aucune femme ne monte sur le Théâtre, que son habit même n’y paraisse pas.
« C’est un tableau, dit-il, qui représente des histoires et des fables, non pas tant pour divertir que pour instruire les hommes. » Et pour preuve de cela, il apporte l’exemple non pas de quelque Pièce sérieuse de Corneille ou de Racine, mais de la Comédie d’Esope composée par son Ami, à qui il fait des compliments sur le présent qu’il lui en a fait. […] Les dernières sont absolument défendues et criminelles ; mais pour les premières, telles que sont les Comédies d’aujourd’hui, qui n’excitent les passions que par hasard, il n’y aurait rien de plus outré et de plus injuste que de les condamner, autrement il ne faudrait pas qu’une belle femme allât à l’Eglise, de peur d’y exciter la passion d’un libertin : il ne faudrait pas lire les Histoires, parce qu’elles se servent de paroles qui expriment les passions, et qu’elles rapportent des actions éclatantes dont elles ont été la cause. […] Les belles comparaisons après cela que fait ici notre Docteur, quand il nous dit : « que s’il était défendu d’aller à la Comédie, une belle femme ne devrait point aller à l’Eglise, de peur d’y exciter la passion de quelque libertin ; qu’on ne devrait pas lire les Histoires, parce qu’elles rapportent des faits éclatants dont les passions ont été la cause ; et qu’on ne devrait pas même lire l’Ecriture sainte, parce qu’elle peut être l’occasion des Hérésies et des erreurs». Comme si une belle femme n’était belle et n’allait à l’Eglise que pour exciter la passion d’un libertin, de même qu’une Comédienne n’est Comédienne, et ne monte sur le Théâtre que pour donner du plaisir à ses Spectateurs : comme si des Histoires muettes et qui racontent des événements d’une manière simple et naturelle, faisaient la même impression que des discours et des actions animées, qui expriment les passions avec toute la véhémence et tout l’art imaginable : et comme si l’Ecriture sainte enfin n’avait été dictée du Saint Esprit que pour induire et jeter les hommes dans l’erreur, de même qu’on ne compose des Comédies que pour les transporter dans le plaisir.