Sont-ils heureux ? […] Cette gêne n’est point un attentat contre la nature ; c’est une heureuse transformation de la liberté naturelle en liberté sociale, la seule qui puisse convenir à l’homme dans l’état présent des choses celui-là seule est vraiment libre, qui l’est selon les Loix. […] C’est lui qui, piquant la stupide vanité de vos Artisans & même de vos Villageois, les fait rougir de leur heureuse médiocrité, & les contraint de substituer les galons, à la simplicité de leurs anciens vêtemens. » Eh, qui produit le luxe effroyable, si ce n’est, comme le remarque très-bien M. […] Morus ; c’est un changement heureux, qui sera la suite nécessaire & infaillible d’une police plus parfaite, sans doute, puisqu’elle fera le bien du plus grand nombre. […] L’heureuse influence du Théatre sur tous les Peuples qui l’ont connu, prouve assez son utilité.
Nous voulons être parfaits, & c’est ce qui forme en nous le desir d’apprendre, outre la satisfaction que nous trouvons à fixer par un objet nouveau l’agitation de nos pensées ; mais nous désirons encore plus d’être heureux, & nous regardons le plaisir du sentiment, comme ce qui nous met en possession d’une félicité présente & d’un bonheur actuel. […] Il en est de même des autres passions que l’action imitée par le Poëte Tragique, réveille dans notre ame ; & sans en dire davantage sur un sujet si connu, il est certain qu’une passion vive & agréable qui ne coûteroit rien à satisfaire, & qui ne seroit suivie ni d’un mal réel, ni même d’aucun trouble importun, passeroit dans l’esprit du commun des hommes, si elle pouvoit être durable, pour l’état le plus heureux de cette vie. […] Ou s’il va encore plus loin, s’il veut nous effrayer, suivant le but & les loix de la Tragédie, par une catastrophe qui nous montre sensiblement les funestes effets d’un amour criminel, ou d’une ambition démesurée, nous ne manquons guères d’attribuer le malheur du Héros à son imprudence plutôt qu’à sa passion ; nous nous flattons que nous serons plus sages ou plus heureux ; peut-être même toutes ces pensées sont-elles souvent bien éloignées de l’esprit du spectateur.