Ceux qui ont voulu faire paraître des saints sur la scène ont été contraints de leur donner un air de fierté incompatible avec l’humilité chrétienne, et de leur mettre dans la bouche des discours plus propres à des héros de l’ancienne Rome qu’à des saints et à des martyrs. […] S’il se trouve parmi les spectateurs un malheureux réduit au désespoir, ou qui, au premier jour, se trouvera dans cette affreuse situation, n’est-il pas à craindre que l’exemple de tant de héros, qu’il a vus se délivrer de la vie, ne se retrace dans son imagination, et ne le porte à cette fatale extrémitéan », suivant cette maxime que Voltaire met dans la bouche de Mérope : « Quand on a tout perdu, quand on n’a plus d’espoir, La vie est un opprobre et la mort un devoir. » an.
La subtile contagion d’un mal dangereux ne demande pas toujours un objet grossier ; l’idée du mariage qu’on met dans ces héros et ces héroïnes amoureuses ne corrige pas, et ne ralentit pas la flamme secrète d’un cœur disposé à aimer. […] Ils sont assurés de faire finir celles de leurs héros et de leurs héroïnes avec le cinquième acte, dit le prince de Contiu, et que les comédiens ne diront que ce qui est dans leurs rôles : mais le cœur, ému par cette représentation, n’a pas les mêmes bornes ; il n’agit pas par mesure : dès qu’il se trouve attiré par son objet, il s’y abandonne selon toute l’étendue de son inclination ; et souvent, après avoir résolu de ne pas pousser les passions plus avant que le héros de la comédie, il s’est trouvé bien loin de son compte ; l’esprit n’étant plein que d’aventures agréables et surprenantes, et de vers tendres, délicats et passionnés, fait que le cœur dévoué à tous ces sentiments n’est plus capable de se retenirv. […] Aussi le grand art des auteurs dramatiques est-il d’inspirer la passion de leur héros.