La Tragédie est née chez les Grecs, comme tous les Arts. […] Ce qui nous reste des Tragiques Latins n’est pas digne d’entrer en comparaison avec les Grecs. […] Ils en avaient dont les mœurs & les Personnages étaient Grecs ; ils les appellaient Palliates : & d’autres dont les mœurs & les Personnages étaient Romains ; elles s’appellaient Prétextates (on a déja vu cette distinction, sous l’Article Comédie). […] Les Poètes Grecs ont mis sur leur Scène des Souverains qui venaient de mourir, & quelquefois même des Princes vivans : ils se proposaient par-là de plaire à leur Partie, en rendant odieux le gouvernement d’un seul ; & c’était un moyen d’y réussir, que de rendre les Rois méprisables par un caractère vicieux, & l’exposition de faiblesses dont l’univers retentissait encore.
Il me paroît donc que le Poëte qui s’est conformé aux Principes d’Aristote, & qui a conduit sa Piéce dans la simplicité des Tragédies Grecques, est celui qui a le mieux réussi. […] Il y en a beaucoup parmi nous, & il y en eut parmi les Grecs après le tems de leurs grands Poëtes, puisqu’Aristote se plaint de ce que la plûpart des Tragédies de son tems étoient sans Mœurs. […] Je ne repeterai point ce que j’ai dit de ceux des Grecs. […] C’est par cette raison que les Tragédies Grecques ne finissent jamais par des chants, mais par une Réflexion morale. […] Il ajoute, que les Grecs faisoient de belles Tragédies où ils chantoient quelque chose, au lieu que les Italiens & les François en font de méchantes où ils chantent tout.