Je suis persuadé que notre Philosophe Grec composerait quelque écrit célèbre sur le Spectacle qui nous fait tant de plaisir. […] Les Grecs, les Romains, & même les Égiptiens, ne sçauraient nous disputer l’avantage de les surpasser. […] Je trouve d’abord Théo ou Théos qui en Grec θεως, veut dire Dieu. […] Dacier, qui fut plutôt d’Athènes que de Paris 3 , a tombé dans la même faute, si toute fois c’en est une ; on doit s’en prendre à l’éxcessive admiration qu’il ressentait pour les ouvrages de notre Philosophe, loin de soupçonner la justesse de son goût : si l’Auteur Grec avait soutenu que le blanc est noir, Dacier & la foule pédantesque des Commentateurs se seraient aussitôt mis à crier la même chose.
N’est-il pas à craindre que la nation où l’usage des spectacles s’est établi ait le même sort que les Grecs et les Romains, qui ne furent détruits que pour s’être livrés à la mollesse ? « Tant que les Grecs furent sobres, ennemis du luxe, partisans de la vertu, ils vainquirent les Perses, ils firent échouer les projets de leurs ennemis ; mais, lorsqu’après la bataille de Marathon et de Salamine, ils commencèrent à aimer l’oisiveté, et que l’amour pour les spectacles les leur rendit nécessaires, leur gloire et leur liberté s’évanouirent bientôt. […] « Les Romains eurent le même sort que les Grecs : ils durent toute leur gloire à l’éducation de leurs premiers ancêtres et à la vie laborieuse qu’ils menaient. […] [NDE] Jean-Baptiste de Boyer, Marquis d’Argens, Timée de Locres en grec et en français, Berlin, 1763, pp. 286-290.