Si vous aviez le goût grec, vous n’y mettriez que des Courtisanes, des Parasites, des Ganymèdes et des Antinoüs : convient-il donc à de plats modernes d’oser mieux faire que les Anciens et de ménager les oreilles chastes ? […] Ce que vous dites ci-dessus pour prouver que le spectacle ne peut porter le goût de la Vertu dans nos cœurs se trouve anéanti maintenant ; écoutez-vous vous-même. […] Pour la ménager cette pudeur, il faut donc absolument suivant votre système ne plus faire paraître au Théâtre que des prostituées : est-ce ainsi que vous justifiez la délicatesse du goût de vos pudiques Anciens ? […] Des bagatelles et des sottises ; elles brodent, mais c’est vous qui dessinez ; elles aiment les étoffes d’un goût capricieux, mais c’est vous qui louez ce goût et qui le leur inspirez : ce sont vos dessinateurs de fabriques qui se cassent la tête à imaginer des goûts baroques. […] Fous eux-mêmes, comment pourraient-ils inspirer le goût de la sagesse au beau sexe ?
Le goût du spectacle, que je suis loin de condamner, fait faire à la jeunesse le trajet de la maturité avec les bottes de l’Ogre du petit Poucet. […] Un garçon et une fille, fruits de leur hymen, montrèrent, dès leur bas âge, un goût décidé pour le travail. […] L’ouvrage, négligé par suite de ce malheureux goût, attirait souvent sur eux les réprimandes du maître, et ils ne manquaient jamais, chaque fois que cela arrivait, le fameux « dissimulons !» […] J’en suis fâché pour le goût présent, mais je voudrais voir bannir de la scène tous les grands scélérats, qui portent avec eux le ridicule et l’épouvante. […] J’entends un censeur moderne grommeler contre mes goûts et crier au scandale !