Philippe n’étoit pas aimé, ce Prince n’étoit ni beau ni petit maître, sérieux, triste, sévère, pouvoit-il être du goût d’une Actrice, dont le cœur étoit déjà pris ; on a prétendu qu’il agissoit par intérêt, ce qui est plus croyable, il espéroit d’épouser Elisabeth si sa femme venoit à mourir, & de conserver ainsi la couronne, au lieu qne si Elisabeth étoit morte, la couronne auroit passé à Marie Stuart, Reine d’Écosse, mariée au Roi de France, qu’elle auroit rendu trop puissante. […] La Religion Anglicane n’est ni Protestante, ni Catholique ; c’est un mêlange monstrueux du Luthéranisme, du Calvinisme, du Papisme, & des délires d’Henri VIII, elle le trouva ébauché par son père & son frère, elle le perfectionna, c’est-à-dire, l’accommoda à son goût, elle l’établit pendant un long règne ; il subsiste encore. […] Il n’en fut pas de même du cérémonial Romain, des ornemens sacerdotaux, de cortège des Évêques, des encensemens, du luminaire, de la musique, des orgues, de l’office divin, de tout ce qui frappe les sens ; elle voulut absolument le retenir & se moqua des Calvinistes qui crièrent à la superstition ; la pompe & la magnificence étoient trop de son goût pour les abandonner ; c’est la passion des femmes, il leur faut par tout de l’éclat & de la parure. […] Charles IX fut payé de retour par une autre comédie dans le même goût après sa mort, Elisabeth lui fit faire à Londres de superbes sunérailles, à la mode Anglicane, auxquelles fut invité l’Ambassadeur Catholique de France ; on tapissa de noir la grande Eglise de Saint Paul, on dressa au milieu un magnifique cataphalque environné des armes de France, & surmonté de la statue du Roi défum ; Elisabeth s’y rendit à pied en habit de deuil traînant, précédée de quatorze Evêques & de soixante Seigneurs qui conduisoient chacun galamment une Dame par la main ; c’étoit le plus beau & le plus dévot de la procession, le cérémonial Romain n’est pas si dévot ; la Reine demeura à toute la cérémonie, & à l’oraison funèbre, & portale deuil pendant trois mois, rien ne l’y obligeoit, & tout devoit l’en détourner. […] Ce trait dont les plus belles qualités ne peuvent effacer la honte, suffiroit pour la déshonorer, il n’est pas douteux que cet exemple détestable n’ait enhardi quelques années après Olivier Cromvel à faire mourir sur un échaffaud le petit-fils de Marie, Charles I, le Chef des Anglois dans le goût d’Elisabeth, étoit plus grand homme qu’elle.
On y trouveroit vingt autres contes du même goût, dont on pourroit faire des tragicomedies ou des comitragedies, des comédies héroïques ou des tragédies bourgeoises au dessous du comique larmoyant, qui du moins conserve le caractere de la bourgeoisie, au lieu que le ton tragique, les airs héroïques, les meurtres, les suicides, en sont fort éloignés. […] Trouve-t-on quelque goût à augmenter le désordre de la passion par une idée d’inceste, comme le fameux & licentieux conte & comédie d’Annette & Lubin, qu’on fait cousins germains, sans nécessité, & que jamais ni églogue, ni roman, ni drame pastoral, n’avoit imaginé, pour avoir occasion de blâmer la loi qui défend ces mariages, & de donner du ridicule aux dispenses que l’Eglise en accorde. […] Elle est entrée dans le sacerdoce avec répugnance, ayant du goût pour le monde, & de l’inclination pour un jeune homme ; mais volontairement, sans être forcée, elle a pris généreusement son parti, renoncé sincérement à tout, combattu de bonne foi son penchant, par esprit de religion. […] Cependant elle rougit de ses foiblesses, elle éprouve des remords, & ce qu’elle dévoile du mystère d’iniquité avec tant de goût, de détail & d’impudence à un vénérable Curé, qu’elle ne connoît pas, elle le cache à son amant : Et jamais à sa bouche un mot n’est échappé. […] Mélanie cache encore le dégoût de son état, & sur-tout son goût pour son amant, à sa mère, qui l’aimoit, qui étoit sensible à ses maux : Mais je lui derobai ma profonde tristesse.