J’avoue donc avec sincérité que je sens dans toute son étendue le grand bien que produirait la suppression entière du Théâtre ; et je conviens sans peine de tout ce que tant de personnes graves et d’un génie supérieur ont écrit sur cette matière : mais, comme il ne m’appartient pas de prendre le même ton, et que d’ailleurs les Spectacles sont permis et soutenus par l’autorité publique, qui sans doute les permet et les soutient par des raisons que je dois respecter, il serait indécent et inutile de les combattre dans l’idée de les détruire : j’ai donc tourné mes vues d’un autre côté ; j’ai cru que du moins il était de mon devoir de produire mes réflexions, et le plan de réformation que j’ai conçu pour mettre le Théâtre sur un autre pied, et pour le rendre, s’il est possible, tel que les bonnes mœurs et les égards de la société me paraissent l’exiger : c’est ce que je ne pouvais entreprendre dans le temps que j’étais Comédien, pour les raisons que l’on trouvera dans le corps de mon Ouvrage. […] J’ai voulu me frayer un chemin et pressentir en quelque sorte le goût du Public, avant que de m’expliquer ouvertement ; et c’est dans cette vue que j’ai donné mes Observations sur la Comédie et sur le génie de Molière b : On a paru n’être pas mécontent des réflexions semées dans cet Ouvrage, et on a bien voulu me tenir compte d’avoir choisi Molière pour modèle des préceptes que j’ose y donner. […] [NDE] Louis Riccoboni, Observation sur la Comédie et sur le génie de Molière, Paris, Vv Pissot, 1736.
En conséquence, vous avez mis en usage toutes les ressources de votre génie, pour leur retracer les momens de leur vie les plus délicieux. […] Enfin, il s’en trouvera qui, doués d’un génie excellent, épuiseront les matieres avec le nouveau Professeur ; & qui, non-contens des secours qu’ils se seront procurés dans son commerce, essayeront de voler de leurs propres aîles, & ne seront point effrayés de l’immensité de l’espace qui s’offrira à leurs regards. […] Ce n’est certainement point le génie qui nous manque ; nos voisins eux-mêmes en conviennent ; ce n’est que le goût des choses solides, & le talent de bien choisir l’objet de nos travaux. […] Quelques-uns, faute de génie, resteroient au-dessous de leur entreprise : mais j’oserois assurer que la plûpart trouveroient en eux-mêmes une fécondité & des ressources dont il ne se fussent pas mêmes doutés. […] Croit-on que si ces effets eussent été soigneusement recueillis par un génie observateur, savamment analysés & bien vérifiés par une chaîne d’expériences non interrompues, ils n’eussent pu former un corps de doctrine sur la culture de l’ame, plus intéressant & plus certain qu’aucun Traité que nous ayons sur la guérison du corps humain ?