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231. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Puisque la Tragédie est une instruction pour porter les hommes à la vertu, et pour les détourner des vices ; la règle générale est que la vertu soit récompensée, et le crime puni. […] Voilà, Madame, quelques notions, qui pourront vous donner une idée générale de la perfection de la Comédie, et vous aider à connaître celles qui sont faites selon les règles de l’Art ; mais pour en être mieux instruite, je vous conseille, Madame, de lire le Discours que le célèbre M. de Corneille a fait sur le Poème dramatique, et qui se trouve dans le premier Tome de ses ouvrages : Il examine cette matière à fond, selon les règles que les Anciens nous ont laissées de la pratique du Théâtre, et qu’il entendait aussi bien qu’eux ; du moins on peut dire, sans le flatter, que ses Poèmes dramatiques égalent, s’ils ne surpassent pas ceux que l’antiquité a le plus admirés.

232. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

Semblable en cela à ces bons peres de famille, qui au milieu de leurs enfans, se mêlent à tous leurs jeux, les excitent & les instruisent avec autant d’adresse que de succès, en paraissant eux-mêmes redevenir enfans Je conviens avec vous Monsieur, que les Théatres de la Nation sont susceptibles d’une administration plus utile au Public, plus honorable aux Gens de Lettres, plus ferme pour les Comédiens ; ces Théatres, en un mot, exigent, & promptement, une très grande réforme : le bien général qui doit en résulter ne peut qu’accélerer une époque depuis si long-tems desuée3. […] On cessa de venir s’instruire & s’amuser à ces Spectacles, où quelques Citoyens préservés de la contagion générale & fermes partisans du Goût, ne cesserent d’aller applaudir aux chef-d’œuvres immortels des Corneille, des Racine, des Crébillon & des Voltaire. […] Quand les abus se sont multipliés, & que des hommes bien intentionnés veulent les réformer44, on attaque leurs principes, on cherche à les rendre suspects ; les Etres obscurs, les avares égoïstes, qui trouvent leur bien-être dans le malheur public, se déchaînent contr’eux : mais les vrais Citoyens, qui n’ont en vue que le bien, de la Patrie, s’élèvent au-dessus de toutes les considérations, & n’en cherchent pas avec moins de zèle & d’empressement, dans ce bien général, qu’ils opérent, leur propre bonheur, qu’ils fondent toujours sur celui de leurs semblables. […] Là, d’une voix touchante & ferme, persuader la modération à ceux qui commandent, la fidélité à ceux qui obéissent, à tous cette bienveillance générale, sans laquelle il n’y aura jamais de bonheur sur la terre.

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