Arguments pris de leur Forme.
La combinaison des saveurs répond à celles des sons, & forme aussi des tierces, des quartes, des quintes & de très-beaux accords de Musique savoureuse : l’acide & le doux qui font l’ut & le mi, tierce majeure, l’acide & l’aigre-doux, ut sol, quinte font une bonne consonnance. […] Pour bien exécuter ce nouveau chant, on a construit un buffet d’orgues avec tous les tuyaux acoustiques ; à chacun des tuyaux on a adapté une phiole d’une liqueur spiritueuse dont le goût est gradué selon les proportions harmoniques ; chaque phiole a son orifice & une soupape qui s’ouvre ou se ferme selon qu’on lève ou qu’on baisse les touches du clavecin qui y répondent à la place des vents que donnent les soufflets de l’orgue ; la phiole laisse couler de sa liqueur, toutes ces liqueurs se rendent par un conducteur commun à un tuyau où celui qui veut savourer cette harmonie, doit mettre sa bouche pour recevoir les liqueurs à mesure qu’elles découlent ; quand ces liqueurs sont consonnantes, il s’en forme une de leur mélange qui a un goût admirable : ce goût, au contraire, est détestable si elles sont discordantes ; ainsi une main savante flatte agréablement le palais, une ignorante l’empoisonne, comme l’une flatte, l’autre écorche les oreilles. L’habile Auteur qui a fait ces belles découvertes sur les saveurs n’a pas été moins heureux pour les odeurs, il a trouvé leur proportion & leur analogie ; il a composé l’échelle ou la gamme odorante, l’odeur de rose répond à l’ut, le jasmin au mi, la tubereuse au sol, & leur accord forme une harmonie délicieuse. […] Balzac dans une lettre écrite de Rome où les eaux de senteur sont fort en usage, ainsi que dans toute l’Italie, dit plaisamment dans son style empoullé : Quand j’entre dans la chambre de Madame N. il faut songer à me sauver à la nage au milieu des eaux de senteur qui y coulent ; la vapeur forme un nuage qui obscurcit le jour. Dans la vérité quand on poudre quelque petit maître, la poudre forme un nuage autour de lui, une atodmosphère odoriférante.