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12. (1802) Sur les spectacles « RÉFLEXIONS DE MARMONTEL SUR LE MEME SUJET. » pp. 13-16

La farce est le spectacle de la grossière populace, et c’est un plaisir qu’il faut lui laisser, mais dans la forme qui lui convient, c’est-à-dire, avec une grossièreté, innocente, des tréteaux pour théâtre, et pour salles des carrefours ; par là, il se trouve à la bienséance des seuls spectateurs qu’il convienne d’y attirer. Lui donner des salles décentes et une forme régulière, l’orner de musique, de danses, de décorations agréables, et y souffrir des mœurs obscènes et dépravées, c’est dorer les bords de la coupe où le public va boire le poison du vice et du mauvais goût.

13. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

le théâtre ne forme-t-il pas même un grand nombre de ces beaux esprits, de ces artisans pernicieux, de ces domestiques inutiles ? […] Cette multitude innombrable d’enfants qui devraient remuer le rabot ou tracer des sillons, s’amuse à lire et à écrire : on ne forme que des suppôts de chicane, des publicains avides, des rimailleurs oisifs, des littérateurs embarrassés de leur loisir et de leurs talents, à charge à la société, qui les nourrit, et qu’ils ne servent pas. […] Tout homme volontairement oisif est un voleur public : quel tort ne fait pas à l’Etat l’école où il se forme ? […] Ce n’est point avec les Lucile et les Marinette que se forme la femme forte qui prend la quenouille et le fuseau, file le lin et la laine. […] Ceux mêmes qui allument le flambeau de l’hymen, énervés par la débauche, dissipés par une vie frivole, dégoûtés du travail et des affaires, n’ont la plupart, ne peuvent ni ne veulent avoir des enfants, n’ont aucun soin de ceux que le hasard leur donne ; ils ne savent leur donner qu’une éducation théâtrale, qui ne forme ni Magistrat, ni Militaire, ni artisan, ni laboureur, ni aucun genre de citoyen, mais des hommes frivoles, à charge à la société.

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