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13. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 113-155

Ces deux femmes toutes puissantes, l’une sur le pere, l’autre sur le fils, partageoient la Cour par leur crédit & leurs intrigues. […] Elizabeth, mariée au Roi d’Espagne, passa pour avoir été empoisonnée sur le soupçon de ses amours avec Dom Carlos, fils de son mari. […] Louis son fils les bannit pour avoir été scandalisé de leurs amours ; & il chassa une infinité de Dames qui avoient été de la joyeuse bande. […] Semiramis, dont la vie est remplie de fables, passe pour une incestueuse avec son propre fils Ninias, qui la tua. Cathérine ne passa-t-elle pas pour avoir trop aimé son troisieme fils Henri III.

14. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE II. De la Tragédie. » pp. 65-91

Que présumer de là, sinon que si ces libertins et ces fils dénaturés venaient souvent aux spectacles, s’ils prenaient plaisir pendant deux heures par jour à entendre le langage de la Vertu, si l’on pouvait les habituer à venir souvent se convaincre de ses avantages dans nos Tragédies, l’amour naturel que vous leur supposez pour la Vertu deviendrait plus efficace. […] Si je dis simplement à cet homme : « Phèdre est une Marâtre qui persécute cruellement le fils de son mari, jusqu’au moment qu’elle en devient éperdument amoureuse ; sa déclaration n’excite que l’indignation et l’horreur de la part d’Hippolyte ; la rage, la honte et la jalousie la portent à l’accuser auprès de Thésée du crime dont elle est coupable elle-même. Thésée, dans le premier moment, dévoue son fils à la vengeance des Dieux et ce fils en devient la victime » ; il est certain que sur une pareille exposition tout homme tant soit peu raisonnable et vertueux frémira d’horreur et regardera Phèdre comme un monstre abominable : mais il changera d’avis après la représentation, parce qu’il verra dans Phèdre une femme malheureuse par sa passion, et chez qui la Vertu est presque aussi puissante que le Vice : elle est justifiée de la persécution qu’elle a fait essuyer à Hippolyte par ces vers où respire la Vertu : « Toi-même en ton esprit rappelle le passé. […] [NDE] Voltaire, L’Enfant prodigue, Paris, Prault fils, 1738 [repr. 1736], Acte V, sc. 6, p. 98 sq. […] J. de Crébillon, Catilina [repr. 1748], Paris, Prault fils, 1749, Acte V, scène dernière, p. 96.

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