C’est le systême du Roi de Prusse, nouveau maître de la partie maritime de la Pologne ; lors de l’invasion la saxe de l’enlevement des manufuctures & de la prise de Dresde ; ce grand Philosophe fit ouvrir le théatre le même jour qu’il y entra, & força la famille royale d’aller avec lui à la comédie pour les consoler de la fuite de l’Électeur, de la défaite de son armee, de la désolation du Pays, du pillage des archives & de sa propre captivité. […] Sorti de prison, il s’expatria & s’en fut en Amérique avec sa famille, revenu en France, sa fille fut reçue par charité chez une de ses parentes qui exigeoit d’elle les plus bas services. […] Qui ignore que dans le siècle passé Armand de Bourbon, Prince aussi distingué par ses vertus & ses lumières, que par ses dignités & sa naissance, se déclara hautement contre elle par un ouvrage immortel ; les sentimens héréditaires dans son auguste famille doivent à jamais fermer au spectacle les portes d’une maison où ils ont été si solennellement condamnés. […] Le Cardinal Mazarin disoit à Dom Louis de Haro, Ministre d’Espagne : vous êtes heureux, vous avez en Espagne deux sortes de femmes, des coquettes en abondance qui ne songent qu’à plaire à leurs galans, & n’écrivent que des poulets ; quelques femmes de bien attachées à leurs maris & à leurs familles, toutes sont sans ambition, n’aiment que le luxe & la vanité. […] La Princesse de Condé, cette femme courageuse qui soutint la guerre de Guienne pendant un an, avoit dans sa famille autant d’exemples de galanterie que de valeur, sans parler de son mari qui trouva dans Amathonte un nouveau Rocroi, un nouveau Senef dont les Mémoires de Lenet ne parlent pas, parce que la prison des Princes suspendit ses conquêtes.
On sent bien qu’un bon chrétien dans cet état, ne fera pas rapidement fortune, qu’en se contentant des gains licites, qu’en se faisant conscience de vendre des marchandises déteriorées, qu’en se renfermant enfin dans les bornes prescrites à sa profession, il sera bientôt hors d’état de subsister, lui et sa famille. […] Combien de jeunes Demoiselles victimes de l’ambition de leur famille traînent dans une prison perpétuelle une vie malheureuse, languissent dans une oisiveté préjudiciable à l’Etat, dont on pourrait faire d’excellentes Comédiennes ? L’intérêt et l’ambition des familles pourraient alors se concilier avec la tendresse paternelle. Une Demoiselle serait destinée au Théâtre, elle y jouirait d’appointements honnêtes, qui la mettraient en état de figurer décemment dans le sein de sa famille. […] Je ferais moi-même la victime de cet avis, puisque je n’ai pas d’autre ressource ; mais je conseille pour l’avenir de ne plus faire d’Elèves pour le Théâtre qui ne soient nobles et à qui leur famille donne une assez bonne éducation, pour qu’ils ne démentent point par leur conduite les belles maximes qu’ils seront chargés d’introduire dans le cœur de ceux qui viendront les entendre.