Les matieres, qui s’y traitent, ne sont ordinairement, que d’amour, & de ses intrigues, car le theatre ne plairoit plus, si cette passion n’en faisoit l’ame : L’expression, qu’on en fait, est par la declamation la plus douce, la plus animée, & la plus transportée : L’ajustement d’une Comedienne n’a rien, qui ne respire je ne sçay quoy d’impur, par la nudité de sa gorge, par son geste mol, & affecté, & par son action effeminée. […] Elle, qui sans cela peut-être n’auroit jamais sçeu ce que c’est que du mal, & qui n’en avoit, ny la pensée, ny les idées, le voyant alors si bien dépeint sur le theatre avec toutes les couleurs, de la parole, d’une expression douce, & de la declamation ; Elle, dis-je, commence à sortir de la sainte ignorance, où elle étoit, & ce que la nature ne luy avoit pas encore appris, des Comediens, & des Comediennes le luy apprennent, comme les nouveaux maîtres de son premier mal-heur.
Sophocle, heureusement né pour ce genre de Poésie, avec un grand fond de génie, un goût délicat, une facilité merveilleuse pour l’expression, réduisit la Muse Tragique aux règles de la décence & du vrai ; elle apprit à se contenter d’une démarche noble & assurée, sans orgueil, sans faste, sans cette fierté gigantesque qui est au-dela de ce qu’on appelle héroïque ; il fut intéresser le cœur dans toute l’action, travailla les vers avec soin ; en un mot, il s’éleva par son génie & par son travail, au point que ses Ouvrages sont devenus l’exemple du beau & le modèle des règles. […] C’est le génie qui fait tout en lui ; qui a créé les choses & les expressions : il a partout une majesté, une force, une magnificence, qu’aucun de nos Poètes n’a surpassé.