Il fut toujours pauvre, laborieux & triste ; la mort d’une épouse de mérite qu’il aimoit beaucoup, & de deux enfans du premier mari de sa femme qui l’avoit comme adopté, l’accablerent de douleurs & le jetterent dans une profonde tristesse dont ses écrits ne sont que l’expression, & si on peut le dire, des accès de redoublement, car la poésie n’est qu’un jeu de machine, la verve une imagination exaltée, la bile qui bouillonne dans le caractere satyrique, le sang dans la galanterie comme l’adresse des animaux qu’on nomme instinct, moins vive, mais plus grande dans son objet que celle de l’homme. Young avoit des vertus, il étoit charitable pour les pauvres, zéle pour ses brebis, plein de respect pour la Religion, aussi n’aimoit-il ni Voltaire, ni sa philosophie, il est surprenant que le Théatre ne l’ait pas corrompu ; mais les Drames tout opposés à la dépravation qui y regne, ne sont que des effeverscenses momentanées de son chagrin, comme dans les autres ; ce sont des bouillons de colere, des ivresses d’amour, des expressions de malignité, des débordemens de bouffonneries, il ne quitta pas sa Paroisse ni ses fonctions pour aller dans les coulisses, se brûler avec les actrices comme le papillon à la chandelle. […] Et je n’ai point d’expression dans la mienne pour vous exprimer l’estime infinie avec laquelle, &c. Expression pour exprimer : cette phrase est-elle bien élégante ? […] XII,) a donné à Garik, célébre Acteur anglois, l’idée du Jubilé de Shakespear & de sa parodie ; Jubilé d’Arlequin, expression choisie pour se moquer du Jubilé des Catholiques.
Ceux qui peuvent les lire dans notre Langue, ont-ils l’oreille assez Françoise, pour être frappés de toutes ces beautés de Langage & d’Harmonie, qui dépendent souvent de l’endroit où une expression est placée ? […] Il déclare qu’il excelle par la peinture des Passions, l’art de les émouvoir, la beauté des expressions, & la pureté du langage : mais il nous reproche à tous en général de faire parler à la Françoise, les Héros de l’Antiquité, de même que nous les faisons paroître sur le Théâtre avec des parures Françoises, ensorte qu’on les pourroit appeller selon lui, M. […] Il avoue en même tems les grands défauts de ce Poëte, un merveilleux contraire à la Nature, des pensées outrées, des expressions ampoullées Bombast, une versification tonante Thundering : mais il l’excuse en disant qu’il travailloit pour plaire à une Populace to please the Populace, & que juger Shakespear sur les Régles d’Aristote, ce seroit juger un homme sur les Loix d’un Pays où il n’a jamais été, & qu’il n’a pu connoître.