Ceux qui se vantent d’aller à la Comédie et d’en sortir, sans sentir de mauvaises impressions, ne la justifient pas pour cela ; c’est qu’ils ont déjà le cœur et l’imagination gâtés ; la Comédie ne fait autre chose, que de les entretenir dans leurs mauvaises habitudes.
Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il ait bien voulu jadis travailler pour un Théâtre plus récréatif qu’utile,4 & de le voir aujourd’hui par esprit de contradiction fulminer en Aristarque inspiré contre le plus instructif, absolument nécessaire pour entretenir les bonnes mœurs, & délasser de ses travaux un Spectateur laborieux. […] Par exemple, les Pièces de théâtre n’ont rien de mauvais qu’autant qu’on y trouve une peinture des caractères & des actions des hommes, où l’on pourrait même donner des leçons agréables & utiles pour toutes les conditions ; mais si l’on y débite une morale relâchée, si les personnes qui exercent cette profession mènent une vie licentieuse, & servent à corrompre les autres ; si de tels Spectacles entretiennent la vanité, la fainéantise, le luxe, l’impudicité, il est visible alors que la chose se tourne en abus, & qu’à moins qu’on ne trouve le moyen de corriger ces abus ou de s’en garantir, il vaut mieux renoncer à cette sorte d’amusement. » Je suis sans contredit de cet avis : des Spectacles licentieux ne sont pas faits pour d’honnêtes gens ; mais il en est donc qu’ils peuvent voir, puisque les pièces de théâtre n’ont rien de mauvais, & qu’elles peuvent donner des leçons utiles & agréables : la devise de Santeuil le prouve (castigat ridendo mores) si elles corrigent les mœurs, elles sont nécessaires.