Telle était l’envie de se lamenter, qu’on exposait bien moins de vertus que de malheurs ; de peur qu’une âme élevée à l’admiration des Héros, ne fût moins propre à s’abandonner à la pitié pour un misérable : et afin de mieux imprimer les sentiments de crainte et d’affliction aux Spectateurs, il y avait toujours sur le Théâtre des Chœurs d’Enfants, de Vierges, de Vieillards, qui fournissaient à chaque événement, ou leurs frayeurs, ou leurs larmes.
Si on livre sa production à leur censure, ils la coupent, taillent, rognent, mutilent & disséquent au point qu’en vérité il ne reste pas même au pauvre enfant l’ombre de sa premiere forme. […] Un autre enfant court aux Académies, qui lui ouvrent leurs portes ; il commence par être dupe, il finit par devenir friponPersée de Madame Deshoulieres. […] Un enfant né de parens honnêtes, a-t-il absorbé son patrimoine, ou fait quelques sottises qui le force à fuir loin de son lieu natal, il court aux Trétaux, se fait Mime des Remparts, & trouve, sans difficulté, dans la plus abjecte de toutes les professions, les moyens de continuer un train de vie, qui est devenu pour lui une seconde nature. […] « La raison qu’on vante tant en nous, dit l’Auteur que je viens de citer, est si faible, si vaine, si imbécille, qu’elle prend indistinctement toutes les formes que la Coutume, le climat, le Gouvernement, le tempérament, le caprice, l’exemple & les passions lui donnent…… Sur ce principe, un enfant accoutumé à être son propre maître, c’est-à-dire, l’esclave de son tempérament, abandonné à tous ses penchans, parvenu à l’âge de raison, les fera servir à ses passions : voilà où mene cette belle méthode de livrer l’enfance à elle-même, sans lui donner de bonne heure des habitudes vertueuses. […] Sans les mœurs on peut comparer les lois à la voix d’un Enfant qui commande à des animaux mal apprivoises : sans les mœurs toutes les Loix seraient insuffisantes.