Nous reprendrons même, si vous voulez, ce sujet, à présent que les choses plus importantes sont examinées ; &, dans l’espoir que vous ne me dénoncerez pas à ces dangereux ennemis, je vous avouerai que je regarde tous les Auteurs dramatiques, comme les corrupteurs du peuple, ou de quiconque, se laissant amuser par leurs images, n’est pas capable de les considérer sous leur vrai point de vue, ni de donner à ces fables le correctif dont elles ont besoin. […] Autrement, mon cher Glaucus, comme un homme sage, épris des charmes d’une maitresse, voyant sa vertu prête à l’abandonner, rompt ; quoiqu’à regret, une si douce chaîne, & sacrifie l’amour au devoir & à la raison ; ainsi, livrés dès notre enfance aux attraits séducteurs de la Poësie, & trop sensibles peut-être à ses beautés, nous nous munirons pourtant de force & de raison contre ses prestiges : si nous osons donner quelque chose au goût qui nous attire, nous craindrons au moins de nous livrer à nos premieres amours : nous nous dirons toujours qu’il n’y a rien de sérieux ni d’utile dans tout cet appareil dramatique : en prêtant quelquefois nos oreilles à la Poësie, nous garantirons nos cœurs d’être abusés par elle, & nous ne souffrirons point qu’elle trouble l’ordre & la liberté, ni dans la République intérieure de l’ame, ni dans celle de la société humaine.
Ce n’est que depuis ce temps que nos Poètes se sont appliqués à la composition de Poèmes Dramatiques sur des sujets profanes ; et que ces Pièces ont été données au public sur le théâtre, suivant la permission qui en avait été accordée par l’Arrêt. […] Etienne Jodelle qui vivait sous Charles IX. et sous Henry III. fut le premier qui s’appliqua au Poème Dramatique sur des sujets sérieux tirés de l’Histoire profane ; il fit deux Tragédies, Cléopatre et Dion, et deux Comédies, la Rencontre et l’Eugène.