Sophocle enfin donnant l’essor à son génie, Accrut encor la pompe, augmenta l’harmonie, Intéressa le chœur dans toute l’action ; Des Vers trop raboteux polit l’expression, Lui donna chez les Grecs cette hauteur divine, Où jamais n’atteignit la foiblesse Latine. […] On y voit démontré qu’il ne faut point juger de cet art, par l’usage qu’en ont fait les corrupteurs publics qui, d’un art divin, en ont fait un art infernal.
C’est pourtant là qu’elles doivent paraître ; c’est dans les lieux plus profanes, dans les places publiques, les tribunaux, les palais des Grands seulement, que se trouve la matière de leur triomphe : et comme elles ne sont, à proprement parler, Vérité et Raison, que quand elles convainquent les esprits, et qu’elles en chassent les ténèbres de l’erreur et de l’ignorance, par leur lumière toute divine, on peut dire que leur essence consiste dans leur action ; que ces lieux où leur opération est le plus nécessaire, sont leurs lieux naturels ; et qu’ainsi c’est les détruire en quelque façon, que les réduire à ne paraître que parmi leurs Adorateurs. […] Cela étant, et puisque les Philosophes les plus sensuels n’ont jamais douté que la Raison ne nous fût donnée par la Nature, pour nous conduire en toutes choses par ses lumières ; puisqu’elle doit être partout aussi présente à notre âme, que l’œil à notre corps, et qu’il n’y a point d’acceptions de personnes, de temps ni de lieux auprès d’elle : qui peut douter qu’il n’en soit de même pour la Religion, que cette lumière divine, infinie comme elle est par essence, ne doivent faire briller partout sa clarté : et qu’ainsi que Dieu remplit tout de lui-même, sans aucune distinction, et ne dédaigne pas d’être aussi présent dans les lieux du monde les plus infâmes, que dans les plus augustes et les plus sacrés ; aussi les vérités saintes, qu’il lui a plu de manifester aux hommes, ne puissent être publiées dans tous les temps et dans tous les lieux où il se trouve des oreilles pour les entendre, et des cœurs pour recevoir la grâce qui fait les chérir ?