C’étoit d’abord le même Acteur qui chantoit & qui dansoit ; & comme la danse nuisoit au chant, on fit chanter les uns, & danser les autres. […] Nous trouvons étrange que des témoins d’une Action terrible, d’où dépend la tranquillité publique, se puissent amuser à danser. […] Ainsi elle n’avoit rien que de grave, & elle étoit si nécessaire que dans l’Ajax de Sophocle, dont le Chœur est composé de Soldats qui sont censés ne savoir pas danser, le Poëte suppose que dans un transport de joie, ils invoquent le Dieu Pan, celui qui regle les danses des Dieux, pour qu’il leur inspire une danse, Parce que, disent-ils, dans un pareil sujet de joie, il faut nécessairement que nous dansions.
La procession noire faisait au retour mille extravagances, comme de jeter du son dans les yeux des passants, de faire sauter les uns par-dessus un balai, de faire danser les autres. […] La procession de la Fête-Dieu à Milan se faisait avec les mêmes cérémonies ; des soldats déguisés en pantalons (bouffons) marchaient à la tête du cortège, en dansant leurs ballets, à l’imitation sans doute du roi David qui avait dansé devant l’arche d’alliance. […] Ils dansaient dans le chœur en entrant, et chantaient des chansons obscènes. […] Il y avait même certaines églises où les évêques et les archevêques jouaient aux dés, à la paume, à la boule et aux autres jeux ; dansaient et sautaient avec leur clergé, dans les monastères, dans les maisons épiscopales, et où ce divertissement s’appelait la liberté de décembre, à l’imitation des anciennes saturnales. […] Dans l’intervalle des leçons on faisait manger et boire l’âne ; enfin, après les trois nocturnes, on le menait dans la nef, où tout le peuple, mêlé au clergé, dansait autour de lui : on tâchait d’imiter son chant.