Dispositions dangereuses et imperceptibles : la concupiscence répandue dans tous les sens. […] , de les immoler à l’incontinence publique d’une manière plus dangereuse qu’on ne ferait dans les lieux qu’on n’ose nommer ? […] Lorsqu’on blâme les comédies comme dangereuses, les gens du monde disent tous les jours avec l’auteur de la dissertation qu’ils ne sentent point ce danger.
Voici donc comme ils ont raisonné : Les François trouvent un plaisir singulier à jetter du ridicule sur tout ; nous sommes donc sûrs de les divertir, en chargeant de ridicules les personnages vicieux que nous mettons sur la scène : les François en outre craignent plus d’être ridicules que d’être vicieux ; il faut donc leur faire envisager le vice dans ce qu’il a de ridicule, & nous peu embarrasser de ce qu’il a de funeste & de dangereux pour la Société. […] Je laisse à part toutes les Comédies de Moliere, qui quoique très-bonnes dans leur genre, n’attaquent aucun vice essentiel, & n’offrent la peinture que de quelques originaux plus ridicules que dangereux. Telles sont celles du Comte d’Escarbagnas, du Malade imaginaire, de Georges Dandin, de Pourceaugnac, du Médecin malgré lui, & de plusieurs autres qui sont de jolies contes pour rire ; je m’attache à celles qui offrent le portrait d’un vice dangereux, telles sont les Comédies de l’Avare, du Misanthrope, de l’Imposteur, des Femmes savantes, des Précieuses ridicules, du Bourgeois gentil-homme, &c. […] La misanthropie est certainement un vice dangereux : un misanthrope est ennemi des hommes : ce n’est pas seulement en déclamant contre le genre humain, qu’il dévoile son caractere, c’est par ses actions & sa conduite : un homme de cette trempe refusera de rendre service à ses semblables, parce qu’il les hait : il quittera sa femme & ses enfans, à qui sa présence est nécessaire, pour aller vivre seul au fond d’un désert.