Gardez-vous, dit-il, de fixer vos regards sur la beauté, sur la parure des femmes ; le désir suivrait de près, et le crime serait commis dans le cœur : « Jam mœchatus est in corde. » Gardez-vous d’écouter les douces paroles ni de souffrir les caresses empoisonnées d’un femme de mauvaise vie ; elle porterait le poison et la mort dans votre cœur, bouchez vos oreilles avec des épines, pour échapper à ses pièges : « Aures spinis sapiendæ, ut illecebras sermonis excludas. » Ce détail suffirait pour anéantir les spectacles, où sont réunis tous les dangers du vice. […] 1.), où par l’exemple d’Abraham, à qui Dieu fit quitter son pays, de Loth, que les Anges obligèrent de sortir de Sodome, de Moïse, qui s’éloigna de l’Egypte, des Apôtres, qui abandonnèrent leur famille pour suivre Jésus-Christ, il prouve combien nous devons soigneusement éviter les dangers infinis du vice, qui se trouvent sur tous nos pas dans le siècle. Il les fait voir ces dangers, et dans les pompes du luxe, qui fascinent les yeux, et dans les attraits des femmes, qui séduisent le cœur, et dans le poison des discours qui offusquent les esprits, et dans le torrent des mauvais exemples qui entraînent l’âme, et dans l’oisiveté de la vie et la frivolité des amusements qui corrompent tout. Je ne pense pas qu’on se dissimule que tous ces traits retombent directement sur le théâtre, qui rassemble tous ces dangers à la fois. […] profitons du temps, aimable jeunesse, la vie s’envole comme un léger nuage, hâtons nous d’en jouir, ne laissons pas passer le printemps sans en cueillir les fleurs, avant qu’elles se flétrissent ; laissons partout des traces de nos plaisirs, faisons-nous des couronnes de roses, et ne songeons qu’à jouir agréablement des charmes de la volupté, puisque tout va s’anéantir dans le tombeau : « Non prætereat nos flos temporis, coronemus nos rosis antequam marcescant. » Si l’on ne voit pas dans ce portrait le théâtre et sa morale, le parterre et sa folie, les Actrices et leurs manèges, le spectacle et ses dangers, les coulisses, les loges, les foyers, les maisons des Comédiens, la vie des Comédiennes, on ne voit pas le soleil à midi ; mais si après ces connaissances, on aime encore, on fréquente le théâtre, plus misérablement aveugle, on ne voit pas l’enfer ouvert sous ses pieds.
Peut-être même en vain en le nommerai-je aujourd’hui, en vain en découvrirai-je le danger. […] Il les regarde comme un amusement indifférent en foi, honnête même par le motif qu’on s’y propose, & qui tout au plus deviendroit criminel par le danger qu’on pourroit y courir ; mais danger à présent, dit-on, chimérique, le théâtre étant épuré comme il l’est de nos jours. […] Voilà, Messieurs, une image fidele du Mondain dans les spectacles ; il ne croit jamais y courir le moindre danger. […] Et quand il seroit vrai, ce que vous dites à présent, que vous êtes toujours sortis innocents du spectacle, encore faudroit-il conclure avec un grand Docteur : Premiérement, qu’à raison du scandale, autorisant par votre exemple des personnes qui peut-être y périront, & dont Dieu vous redemandera les ames ; secondement à raison du danger auquel vous vous exposez, danger moindre si vous voulez, pour vous que pour d’autres, mais toujours vrai danger pour vous, c’est toujours un vrai péché, un péché grief pour vous, qui que vous soyez, d’y assister. Est-ce donc, Messieurs, une perte si légere que la perte de votre innocence, pour que vous ne trembliez pas au plus petit danger ?