Les Théâtres, depuis ceux du premier ordre jusqu’aux tréteaux de la foire, (C’est ainsi que s’appelaient, il y a quarante ans, les entreprises Nicolet, Audinot et Sallé, privilégiésb, obligés d’avoir spectacle aux enclos, connus sous les noms d’Abbaye Saint-Germain, des Foires Saint-Laurent et Saint-Ovide.) ne sauraient être trop censurés, tant les actions dramatiques, qu’on y représente chaque jour, ont d’influence sur toutes les classes et particulièrement sur la plus nombreuse, qui vient y chercher le délassement de ses travaux, plaisir toujours moins coûteux que ces orgies, qui laissent après elles des suites fâcheuses, mais qui n’est pas non plus sans danger pour tous les âges, et surtout pour les esprits faciles à s’ouvrir aux pernicieuses impressions d’une morale, parfois voisine de la dépravation. […] Ses jeux de nuit60, jadis amusèrent la ville et encore plus la cour ; plus corrompus, mais plus susceptibles que nos pères, nous crierions au scandale si, de nos jours, on tolérait de telles licences ; et nous avons des académies clandestines, dans lesquelles on s’expose journellement à de plus grands dangers qu’aux représentations de nuit de l’après-souper de l’Hôtel Soissons 61, du Dîner des dupes 62, de la Matinée du comédien 63, et de l’Ane et le procureur 64.
» Les sottises que dit le peuple ne sont pas des injures, le lieu même l’excuse : « Quidquid illuc agaudente populo dicitur injuria non putatur, locus defendit excessum. » Le commerce des Comédiens est regardé par les lois comme si dangereux, qu’il est défendu de laisser aux enfants et aux femmes la liberté de les fréquenter ; ce serait exposer au plus grand danger leur religion et leurs mœurs. […] Quelque attention qu’on voulût avoir, que l’on n’a jamais, et que l’on ne veut pas avoir sur le choix et l’éducation des débutantes, en qui l’on ne demande que les talents et les grâces, c’est-à-dire les dangers et les moyens de séduction, bientôt les leçons et les exemples les monteraient sur le même ton.