Au tort réel que ces Messieurs & ces Dames ont osé faire souffrir à nos Sophocles, Euripides, Plautes & Térences Français, je n’ai dit mot. […] Ces Messieurs & ces Dames ne jouent que huit Piéces nouvelles par an, soit tragiques, soit comiques ; tandis qu’ils pourroient en donner vingt-quatre ; ils doivent même cette déférence, cette soumission aux Auteurs qui les font vivre, & au Public qui les soudoye. […] N°. 20. année 1775. » Je n’en veux point à ces Messieurs ni à ces Dames ; j’aime assez les Acteurs, plus encore les Actrices. […] Les Gens de Lettres alors seroient jugés par leurs pairs ; les avis seroient motivés ; on ne craindroit plus d’être humilié par un froid dédain, ou trompé par un enthousiasme aveugle ; les chûtes deviendroient moins fréquentes, les succès plus honorables, & les Acteurs retourneroient à leur place ; ils ne seroient que les interprêtes du génie, dont ils sont devenus les arbitres. » Voilà comme s’exprimoit hautement ce vif partisan des Comédiens, à qui ces Messieurs & ces Dames avoient accordé ses entrées. […] Revenons à notre objet, puisqu’il est tems de parler, & disons que la conduite de ces Messieurs & ces Dames envers les Éleves du Parnasse est si indécente, qu’elle souleve tous les esprits.
Telle étoit Marguerite, Reine de Navarre, qui avoit mis le nouveau testament en drame, & le faisoit jouer par les Dames & les courtisans. […] Cette Dame célèbre détruisoit ainsi d’une main ce quelle bâtissoit de l’autre, & faisoit plus de mal par le règne du théatre, que son établissement n’a fait du bien. […] Pour payer cet honneur, elle fit apporter des corbeilles de confitures & des bouteilles de liqueurs de leur façon ; car toutes les Religieuses en font parfaitement bien, elles se mélèrent avec les Dames pour servir les Cavaliers, disant qu’ ayant été payées d’avance & bien mieux que les Dames qui n’avoient point été baisées, il étoit juste qu’elles gagnassent leur salaire . […] Tout le monde se livra à la joie, le sexe cloîtré n’y est pas moins sensible que les Dames du monde. […] Comment a-t-elle pu sans aucune nécessité, donner une fête à des Officiers qui ne sont rien moins que scrupuleux en galanterie, n’y admettre que des femmes, & les faire servir par les Dames ?