Il faut que le Prince songe que ce désordre passe aisément de son Palais dans les Maisons des particuliers ; que la Débauche qui donne de la licence aux Conviés, leur fait perdre le respect qui est dû au Souverain, que dans la chaleur du vin toutes les passions se réveillent, que ç’a été dans ces rencontres qu’Alexandre a commis des meurtres et donné sujet à ses amis de conspirer contre sa personne. […] Ceux qui le veulent excuser disent que c’est une Instruction agréable, une Morale divertissante, une Peinture de la vie, une image des passions et de leurs désordres, une Apologie de la vertu, et une condamnation du vice, puisque celui-ci y est toujours maltraité, et que celle-là y est toujours couronnée. […] L’homme est entièrement perverti depuis le péché, les mauvais exemples lui plaisent plus que les bons, parce qu’ils sont plus conformes à son humeur ; quand on lui représente sur le Théâtre le Vice avec ses laideurs et la Vertu avec ses beautés, il a bien plus d’inclination pour celui-là que pour celle-ci : Et comme les Poètes ne sont pas exempts de ce désordre qui n’épargne aucune personne, ils expriment beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les injustes que les raisonnables, et les criminelles que les innocentes : Si bien que contre leur intention même ils favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et ils lui prêtent des armes pour combattre la Vertu qu’ils veulent défendre.
Lorsque dans le présent chapitre 2 (pag. 63), j’ai parlé des affreux désordres de la faction anarchique des moines, des prêtres et des jésuites régicides, ultramontains, qui opprime le souverain légitime de la malheureuse Espagne, mon intention, je le répète, n’est pas d’en accuser le ministère français. […] Que tous les partis continuent à signaler les abus, les excès et les désordres ; mais il est bien inutile de demander un changement dans le personnel des ministres, tant que nous serons opprimés sous l’empire de l’influence des Pères de la foi. […] Il faut sans doute poursuivre les abus et les désordres, les dénoncer, s’il est permis, à l’opinion publique, dût-on succomber sous le poids des réquisitoires menaçants. […] De pareils changements sont des symptômes de faiblesse, de troubles et de désordres.