» où l’on pourrait remarquer, qu’il défend plutôt de les chercher avec soin, que de s’en laisser récréer quand on les trouve : mais cependant il conclut, « qu’il faut éviter non seulement les plaisanteries excessives, mais encore toute sorte de plaisanteries : non solum profusos, sed omnes etiam jocos declinandos arbitror » : ce qui montre que l’honnêteté qu’il leur attribue est une honnêteté selon le monde, qui n’a aucune approbation dans les écritures, et qui dans le fond, comme il dit, est opposée à la règle. […] : par où il entend toujours ou l’écriture ou la prédication ou la théologie ; comme si ce n’était qu’en de tels sujets que la plaisanterie fût défendue ; mais on a pu voir que ce n’est pas cette question que Saint Ambroise propose, et on sait d’ailleurs, que par des raisons qui ne blessent pas le profond savoir de Saint Thomas, il ne faut pas toujours attendre de lui une si exacte interprétation des passages des saints pères, surtout quand il entreprend de les accorder avec Aristote, dont il est sans doute qu’ils ne prenaient pas les idées.
Le caractère des Poètes dramatiques est bien différent de celui des Avocats, qui plaidaient devant les Juges de l’Aréopage : Il leur était très expressément défendu d’employer aucune figure, qui pût exciter quelque passion dans l’esprit de ces Sénateurs ; on se contentait de rapporter le fait, et d’exposer simplement les raisons qui l’appuyaient. […] Or les Casuistes les plus rigides et les plus austères ne défendent point l’usage de certains jeux, pour le délassement de l’esprit ; pourquoi donc défendre les spectacles, quand on y assiste avec toutes les précautions nécessaires ? […] Ce n’est donc pas l’état des Comédiens qu’il faut condamner, ni la Comédie en soi ; on ne peut condamner que l’excès, et l’abus qu’on en fait ; car si tout ce que l’on voit à la Comédie, est réglé par la raison ; si l’on y observe les règles d’une exacte bienséance ; si dans la perfection où elle est maintenant, on pousse cette délicatesse jusqu’au scrupule, pourquoi en défendrait-on l’usage ? […] Que si l’on trouve quelques Canons de Conciles, et quelques anciens Rituels, qui défendent d’administrer les Sacrements aux Comédiens, ces Canons et ces Rituels ne censurent que les Comédiens scandaleux, qui représentaient des Comédies infâmes avec des postures indécentes. […] Il est défendu dans le Concile de Carthage, à tous Laïques, d’assister aux spectacles : Les sentiments des Pères de l’Eglise sont conformes aux décisions des Conciles ; et ils ont tous parlé avec de grandes exagérations contre la Comédie, et contre ceux qui y assistaient.