Est-ce parce qu’elle jette un ridicule sur certains défauts ? […] Ainsi, ce sont moins des défauts réels, que des défauts d’usage et de mode, qui n’ont rien en eux de criminel que la Comédie tympanised. […] On ne peut s’empêcher de rester un peu plus longtemps sur cette Comédie, et d’en rapporter les traits les plus saillants ; rien ne peut mieux persuader de ce qu’on vient de dire, que Molière n’attaque que des défauts superficiels, peu intéressants pour les mœurs, et qui sont même la plupart des défauts imaginaires. […] C’est un jeune homme dont l’excellent naturel est obscurci par quantité de défauts qui le rendent vicieux pour la société et pour le monde. […] Ses défauts le frappent quand il les voit dans les autres.
La malice naturelle aux hommes, est le principe de la Comédie : nous voyons les défauts de nos semblables avec une complaisance mêlée de mépris, lorsque ces défauts ne sont ni assez affligeans pour exciter la compassion, ni assez révoltans pour donner de la haîne, ni assez dangereux pour inspirer de l’effroi. […] Rousseau le remarque, par la nécessité de donner le dernier coup de pinceau à son Personnage… Sur le Chariot de Thespis, la Comédie n’était qu’un tissu d’injures adressées aux passans, par des Vendangeurs barbouilés de lie (injures qui pouvaient avoir pour objet, soit leurs vices connus, soit leurs défauts corporels, soit enfin leurs ridicules). […] Celui-ci consiste dans la manière ; ce n’est point un genre à part ; c’est un défaut de tous les genres. […] Telle est, dans l’Avare de Molière, la rencontre d’Harpagon avec son fils, lorsque, sans se connaître, ils viennent traiter ensemble, l’un comme usurier, l’autre comme dissipateur… Quant à l’utilité de la Comédie, morale & décente comme elle l’est aujourd’hui sur notre Théâtre, la révoquer en doute, c’est prétendre que les hommes soient insensibles au mépris & à la honte ; c’est supposer, ou qu’ils ne peuvent rougir, on qu’ils ne peuvent se corriger des défauts dont ils rougissent ; c’est rendre les caractères indépendans de l’amour-propre qui en est l’âme, & nous mettre au-dessous de l’opinion publique, dont la faiblesse, l’orgueil sont les esclaves, & dont la vertu même a tant de peine a s’affranchir.