(Je crois qu’on devroit les y comprendre, si le legs étoit fait à un autre Acteur à qui ils seroient utiles, son à d’autres). […] Ils sauront donc, s’il leur plaît, qu’il y a de compte fait soixante-dix Conciles qui règlent ces choses, plusieurs sous peine d’excommunication, de privation de bénéfices, & les croient d’institution apostolique. […] Je ne crois pourtant pas qu’une loi expresse y fût nécessaire ; le ridicule de la décoration, l’impossibilité de la soutenir long-temps, les qualités, les inclinations, les goûts différens que la providence a sagement départi à chaque sexe, qui l’enchaînent naturellement à ses devoirs, sont un préservatif suffisant contre ces excursions condamnables. […] Cependant le Moine s’éveilla, & voyant cet homme, il crut que c’étoit le diable qui étoit venu prendre le mort. […] De la part des défendeurs fut dit au contraire que de tout temps & ancienneté, par la grace, pleine puissance, science & autorité d’amours, plusieurs beaux & grands privilèges, franchises, libertés & immunités avoient été accordés, à ce que les suppôts de la masquerie pussent plus franchement vaquer, étudier & profiter en la faculté & art d’aimer ; qu’ils sont notoires, ont été publiés & enregistrés en la cour & en tous les sieges d’amours ; qu’il s’en fait tous les ans lecture ès grands jours des Rois & Carême-prenant, & font passés en forme de coutume immémoriale ; par lesquels leur est permis d’être braves, emplumés, déguisés, découpés, musqués, masqués, parfumés, en tel habit & tonsure, entrer ès festins, banquets, danses, & toutes assemblées de damoiselles, y amener tabourin, de choisir telle damoiselle que bon leur semble, de disputer avec elle de l’art d’aimer, circonstances & dépendances, la mener en un coin, lui remontrer qu’il est son serviteur, qu’il désire son amour, & user de telle instruction, mémoires & remontrances qu’il croit devoir servir à cela, & ce au vu & su des maris & de tous autres ombrageux, tant & si long-temps que bon leur semble, sans que le mari leur puisse ni doive donner aucun trouble ni empêchement, d’être rêveur ou fâcheux.
Comme la passion qu’on a pour ces sortes de choses est naturelle & violente, on s’efforce aussi de la justifier par toutes les raisons, que l’amour propre ne manque pas de suggerer, jusque-là qu’à moins de rendre absolument criminels tous les divertissemens, de quelque nature qu’ils puissent être, on croira toûjours que ceux-cy doivent étre comptez entre les plus innocens. […] Non, me direz-vous, car la précaution que vous avez prise, vous ôte tout sujet de croire, que ce soit une occasion prochaine, ou bien un danger évident ; puisque ces spectacles sont tout autres que ceux des Anciens ; qu’on ne peut souffrir qu’on y represente le vice avec cette impudence, qui faisoit rougir alors les personnes qui avoient quelque reste de pudeur ; que dans les comedies mêmes les plus boufonnes, ou les plus enjoüées, on n’y peut supporter les paroles libres & équivoques ; que l’effronterie & l’immodestie ne se souffrent pas dans les bals & dans les assemblêes, & quoyque ces assemblées soient composées de personnes de different sexe, il est rare qu’on y voye rien qui soit ouvertement contre la bienseance ; & pour ce qui est des comedies, contre lesquelles les personnes zelées se déclarent le plus hautement, ne donne-t-on pas cette loüange à nôtre siecle, d’avoir purgé le Theâtre, de tout ce qui pourroit soüiller l’imagination, soit dans les paroles, soit dans les actions, soit même dans les sujets que l’on accommode au goût & aux mœurs de ce tems ? […] Que si l’on regarde la condition des Grands de la terre comme dangereuse au salut, parce qu’ils sont nez dans l’éclat, que le monde se presente à leurs yeux avec tout ce qu’il a de plus engageant, & qu’il leur faut faire de continuels efforts sur eux-mêmes, pour en détacher leur cœur ; que doit-on croire, ou penser de ceux qui le recherchent au lieu de le fuir ? […] Ne me dites point, que vôtre âge, vôtre profession & vôtre état vous mettent à couvert de ce danger ; car cela même est le plus dangereux ecueïl où vous puissiez donner, de croire contre le sentiment de tous les Saints, & contre l’experience de tous les hommes, que vous n’avez rien à craindre des surprises d’une passion, que les Solitaires mêmes, aprés avoir blanchi dans les austeritez de la penitence, ont crû si redoutable, & qui n’ont pû trouver d’autre moyen de s’en défendre, que la fuite des occasions, & des objets capables de l’exciter. […] Or c’est ce que nos spectacles, tout innocens qu’on les croit, ont de commun avec ceux des premiers tems, contre lesquels les saints Peres se sont récriez avec tant de force ; aussi pressoient-ils cette raison, quand on leur alleguoit que tous les spectacles n’étoient pas criminels, qu’il y avoit des yeux, des combats de Lions contre d’autres bêtes feroces, des courses de chevaux, & des Tournois qui étoient plus innocens que nos bals & nos comedies : ces Peres répondoient, qu’ils étoient toûjours dangereux à un Chrétien, qui y reprenoit insensiblement l’esprit du siecle, qu’on ne revenoit pas si facilement de la dissipation d’esprit où l’on s’étoit jetté, en se prrmettant ces divertissemens trop mondains, & que les personnes de pieté devoient s’en éloigner comme d’un écueïl funeste à la devotion.