S’ils meurent en comédiens endurcis dans leurs crimes, leur mort n’est rien moin que digne d’être célébrée. […] Le déguisement abusa le public dans tous les tems , & voilà le crime de Moliere, il a masqué la vertu, la montrant ridicule, & haissable ; il a masqué le vice, le montrant excusable, & agréable ; la dévotion, la traitant d’ypocrisie ; les peres, les meres, les tuteurs, les traitant de tyrans, l’adultere, n’en faisant qu’un jeu, la galanterie, la donnant pour le bon air du monde ; il a tant déguisé, & par ses déguisemens, a trompé les hommes, & corrompu les mœurs de la nation. […] Un fils dénaturé, qui fait déclarer sa propre mere adultere, pour faire régarder ses freres comme illégitimes, & exclure ses neveux ; un Parlement assez lâche, pour prononcer un arrêt injuste & bisarte, puisqu’en la condamnant comme coupable, pour les autres, il assure qu’elle n’a été fidele que pour Richard, afin d’établir son droit au trône : une guerre sanglante contre la maison de Lancastre, dans laquelle y périt, son propre Général, qui le méprise, jusqu’à le trahir, & passe dans l’armée ennemie, pendant la bataille, ce qui la lui fait perdre ; il avoit de l’esprit, de la valeur, de la fermeté ; mais ses bonnes qualités sont effacées par ses crimes, les plus grands que l’Angleterre eût encore vu, toute accoutumée qu’elle y étoit. […] Pour séduire une femme très-respectable de la Cour d’Hongrie, un Prince son amant, ordonna sous main, aux acteurs de ne représenter que des piéces où la foiblesse des femmes fût toujours excusée ; ainsi tout disoit à cette Dame qu’une femme peut se livrer sans crime, au penchant de son cœur ; mille exemples, moyens plus persausifs que tous les discours, l’assuroient que le deshonneur ne suit pas toujours une tendre foiblesse, que la plus austere vertu n’est pas à l’abri des soupçons, que la loi de la fidélité n’est qu’un joug imposé par la tyrannie des maris, qu’une femme sage peut reprimer les desirs ; mais qu’il lui est impossible de n’avoir pas de penchant.
Il a plus à espérer de la fortune de son pénitent devenu Roi, que du Viceroi espagnol, qui se moque de lui en lui promettant un archevéché dont il n’est pas le maître, & qui même n’est pas vacant, & ne manquera pas de le mépriser après un aussi grand crime. […] Le poëte n’enfante ces absurdités que pour rendre odieuse la religion romaine, en peignant ses ministres comme des scélérats qui abusent des choses les plus saintes pour les plus grands crimes. […] Etant poursuivi pour crime de vol, il n’avoit trouvé de ressource & d’asyle qu’une troupe de comédiens, & ayant dans ce métier acquis beaucoup de bien, il s’enveloppa dans sa philosophie, & fut le manger dans son village. […] Dom Quichotte n’auroit pas commis ce crime.