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193. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

On pourrait comparer la bonté physique, à une statue qui se jette en fonte par un maître ouvrier, dont la main est si assurée, qu’elle ne manque jamais son coup, et la bonté morale à une peinture, où on ne touche qu’avec crainte et du bout d’un pinceau, trait à trait, couleur sur couleur ; tantôt du blanc, tantôt du noir, et après tout quelque beau qu’en soit le crayon, une ombre mal appliquée, un jour mal pris, une ligne hors d’œuvre fera une image que les bons maîtres ne voudront pas regarder. […] La pointe de l’esprit les pique sans cesse, et ses menaces vont quelquefois si avant, que les plus résolus se rendent et s’abattent sous la crainte de ses châtiments. […] La crainte de passer pour violents ou pour étourdis, nous fait tenir la bride haute à nos promptitudes, et les réduit à une juste médiocrité. […] Le vice entre en estime et en autorité : on le pratique sans crainte, et on fait gloire d’être méchants, parce qu’il y a double avantage à ce qu’on croit, il est doux de suivre ses inclinations, et il semble être honorable de faire ce que font les premières personnes du monde. […] Quoique les autres déguisements de visage, de parole, de condition, soient un peu plus tolérables que celui du sexe, ils ne laissent pas pourtant d’être répréhensibles ; et si les lois étaient dans leur vigueur, il n’y aurait pas seulement la conscience et la crainte du péché pour nous en retenir.

194. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE V. Des Comédiens. » pp. 156-210

Mais, direz-vous, leur vertu ne sera qu’apparente : la crainte des châtiments, de l’infamie et de la pauvreté seront les motifs de leur bonne conduite ; au fond ils n’en auront pas le cœur moins corrompu. Ce soupçon, peu charitable, peut être fondé au moment de l’établissement des lois que je propose : les Comédiens dont la conduite n’aura pas été régulière jusqu’alors pourront bien ne sacrifier qu’à la crainte leurs mauvais déportements ; mais au moins ne donneront-ils plus de mauvais exemples aux nouveaux Comédiens, et ceux-ci, à qui les places ne seront accordées désormais qu’en conséquence de leur éducation et de leur bonne conduite, ne pourront être taxés d’hypocrisie : habitués à bien vivre, les lois prescrites aux gens de spectacle ne leur paraîtront point trop rigoureuses puisqu’elles sont les mêmes auxquelles tous les autres citoyens sont assujettis et habitués.

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