Le Théatre est un tableau aussi dangereux : il présente les mêmes désordres, & avec les mêmes couleurs, dans les dieux & les déesses, dans les héros, dans les princes ; l’élévation du coupable semble les ennoblir, en effacer la bassesse & le crime. […] L’idolatrie de la Tragédie met le sceau aux plus pernicieuses leçons du vice ; la Comédie ne lui prête pas moins des armes, non pas la dignité, mais par le nombre, le commerce, la familiarité des coupables : elle montre le libertinage commun dans le monde, & si accrédité, que les vertus chrétiennes sont des singularités ridicules.
Quoiqu’il en soit, l’excès de la saleté sert en effet d’assurance et d’abri à nos Auteurs : plus ils sont coupables en ce genre, et moins on a le front de les accuser au public les preuves à la main. […] Vous êtes du moins coupable par ces deux endroits. […] Pouvez-vous être innocent, lorsque vous êtes ainsi la cause que les autres sont coupables ? […] Une musique dans ce goût, échauffe étrangement les passions : elle aide une pensée voluptueuse à s’insinuer dans l’esprit, elle en bannit le trouble qu’y cause malgré nous l’irréligion ; elle dissipe toutes les horreurs dont une conscience criminelle est encore susceptible : elle ôte à l’homme toute attention sur lui-même, pour faire place à toutes les mauvaises impressions d’une coupable Poésie, et pour lui faciliter le chemin du crime.